Frédéric Baillif et Kantarama Gahigiri – « Tapis rouge »

Jaimerose veut faire un film. Il en parle un soir à ses potes puis à l’animateur de la maison de quartier qui contacte Frédéric Baillif, réalisateur. L’idée se transforme en projet de court métrage, son élaboration devenant le sujet de Tapis rouge qui se construit et s’écrit à partir de ce désir de cinéma.

Chacun joue son propre rôle mais ceux de l’animateur et de la stagiaire qui l’accompagne reviennent à un comédien professionnel et une jeune chanteuse castée lors d’un concert. Débarquant comme une fleur dans cette citée de Lausanne à l’écart du monde, le personnage de Mélissa, créé de toutes pièces, participe à la fictionnalisation du récit par le regard qu’il porte sur la mini-communauté déjà constituée.

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Frédéric Baillif doit d’abord coordonner une troupe qui n’en est pas une. Composé de personnalités fortes et diverses, le groupe n’a ni l’expérience de la comédie ni celle de la caméra. Travaillant à partir de jeux de rôles et d’exercices d’improvisation empruntés au théâtre, chacun apprend à construire un personnage à partir de lui-même. La méthode est conservée tout le long d’un tournage qui donne lui aussi une place prioritaire à l’improvisation et pour lequel la cinéaste Kantarama Gahigiri vient faire équipe avec Frédéric Baillif.

Tapis rouge se définit alors comme une aventure humaine et artistique qui prend la forme d’un road movie bringuebalant reliant Lausanne à Cannes. La première partie voit le groupe travailler sur le scénario de court métrage que tout le monde ira « vendre » lors du festival de cinéma. L’histoire est folle mais chacun y croit.

Sur onze jours de tournage, les personnalités s’affinent et leurs interprètes travaillent leurs doubles au rythme de l’histoire. Les indications des réalisateurs, parfois contradictoires ou déconcertantes, donnant à certains des informations que d’autres n’ont pas, créent des situations de jeu stimulantes. Prenant dans la réalité du voyage de quoi nourrir le récit, le procédé permet à chacun d’évoluer dans un soi-même de fiction, les acteurs amateurs donnant vie à des personnages qui deviennent des prolongements d’eux-mêmes. Professionnels dans leur attitude, découvrant le plaisir de jouer, ils évitent tout cabotinage et ne cherchent pas à se voler la vedette. Malgré altercations et coups de gueule, la force de la troupe l’emporte.

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L’équipe réduite et la caméra portée accentuent le sentiment d’une prise sur le vif. La forme prend souvent l’apparence d’un reportage et contribue au mélange des genres. Cette identité hybride (entre docu-fiction et match d’impro) donne au film une énergie communicative et fait naître ici et là quelques scènes résolument magiques. La sincérité de tous, leur manière d’être, entre incarnation et don de soi, permettent de passer sur quelques faiblesses de rythme et une légère redondance de situations. Tapis rouge l’emporte par sa sincérité et sa dynamique, la fin ouverte laissant tout imaginer.

Certains acteurs dominent par leur charisme, notamment Jaimerose Amidouz Awazi et sa démarche chaloupée, d’autres par leur sensibilité, et c’est le plus jeune de tous qui les surpasse : Marcel Ndala n’a que quatorze ans au moment du tournage mais il brille et impose un talent évident. Il sera d’ailleurs contacté par un agent à la présentation du film en Suisse et poursuit depuis une carrière de comédien.

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Avant sa sortie en salles, le film a été projeté en France dans le cadre de l’opération « Cinéma Équitable » menée par le distributeur Wayna Pitch. À l’issue de chaque projection et avant la rencontre avec Frédéric Baillif et parfois une partie du casting, le court-métrage qui a été écrit et réellement tourné, Né pour mourir, est proposé en cadeau et vu par le prisme de Tapis rouge. Ainsi la boucle se boucle, le film s’appréciant autant comme une expérience de cinéma que comme une expérience de vie. De fait, résolument positif et joyeux, évitant clichés et impasses, Tapis rouge fait plaisir à voir !

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