On ne contestera pas l’implacable précision de la mise en scène épurée de Bogdan George Apetri qui entretient un rapport glaçant avec le spectateur, le saisissant régulièrement, mais on s’en méfiera d’emblée.

Dédales est porté par un climat naturaliste où la nature semble définitivement silencieuse, impassible face à l’humain, face aux actes qui se déroulent sous nos yeux, comme si les hommes n’étaient que des pions dérisoires jamais maîtres de leur destin et de leurs actes.

Copyright The East Company Productions

Il nous semble intéressant de nous demander si ces procédés employés régulièrement dans un certain cinéma d’auteur roumain à grand renfort de silences pesants et d’absence d’espoir n’en révèlent finalement pas les stéréotypes et les poncifs, aussi dangereux que les bons sentiments doucereux couverts par une musique lyrique omniprésente. Où quand les contraires se rejoignant dans le cliché… L’effet de surprise n’existe désormais plus face à Dédales, nous voici en terrain connu, Bogdan George Apetri semblant illustrer dès son sujet, une forme d’archétype comme c’était déjà le cas avec le pénible Pororoca, pas un jour ne passe de Constantin Popescu lorsqu’il prenait en otage son spectateur dans l’engrenage d’un père anéanti par la disparition de sa petite fille puis persuadé d’avoir trouvé un coupable.

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Dédales racontera donc l’histoire, dans une Roumanie mortifère, d’une jeune nonne ou plutôt d’une novice partant en secret se faire avorter en ville, et se faisant violer au retour par le chauffeur de taxi qui la ramène. Un inspecteur, aussi désabusé que le Duca Lamberti de Giorgio Scerbanenco se donne comme mission de faire avouer coûte que coûte le coupable, voire de le châtier.  On l’aura compris, noir c’est noir et le monde n’est définitivement pas beau, mais le nihilisme, à un certain moment tient de la pose suspecte et de la marque de fabrique. Pour soutenir cette langueur dépressive, Dédales enchaine donc les plans séquences lents et pesants qui scrutent les personnages dans leurs mouvements, leurs parcours, et leurs visages désespérés, plutôt envoutants dans leur beauté mutique.

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Mais il enferme le spectateur dans un dispositif creux et douteux qui installe de la distance au sens propre comme au figuré tant dans la gestion de l’espace que dans une distanciation au monde pour mieux camoufler une forme de voyeurisme non assumé. Que dire en effet de ce choix de mise en scène, de ce formalisme voyant lorsqu’un long panoramique en plan d’ensemble s’ouvre sur un début de viol et se referme sur sa fin alors que s’arrêtent également les cris de la victime ? Le cinéaste poursuit jusqu’au bout une forme de processus sadique, s’attaquant à la quête de l’inspecteur torturant le probable bourreau (marchant maladroitement sur les traces de The Offence de Lumet).

Le tour de passe-passe du fantasme du passage à l’acte comme induction en erreur devrait sans doute surprendre mais ne fait à notre sens qu’enfoncer un clou supplémentaire dans une malhonnêteté intellectuelle qui rend Dédales finalement assez antipathique. Nous avons connu descentes dans l’enfer universel infiniment plus délicates.

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A propos de Olivier ROSSIGNOT

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