Encore trois films français indispensables proposés par Jérome Wybon pour la sélection de Septembre de la collection « Nos Années 70 »

© Studio Canal

Deux ans après le ravageur Mais ne nous délivrez pas du mal, Joël Séria proposait avec Charlie et ses deux nénettes, une œuvre beaucoup plus tendre, beaucoup plus douce sans pour autant lâcher sa veine libertaire et anarchiste. De cette comédie douce-amère évoquant les aventures du quarantenaire Charlie et de deux jeunes femmes comme lui sans emploi naît une romance hors des règles, amorale, dans lequel le héros est un peu le père, un peu l’amant. Quelque part cette odyssée sentimentale, c’est un peu Truffaut chez les prolos, et si le cinéma de Joël Séria se retient bien d’être politique, il respire une conscience politique intacte. Avec Charlie et ses deux nénettes, Séria affirme cette empathie pour ses personnages symptomatique de con cinéma, un éloge de la banalité comme un héroïsme, de l’individu le plus prosaïque regardé comme celui qui a peut-être le plus conscience de la beauté éphémère d’un monde dont il faut profiter en direct. Jeanne Goupil, Nathalie Drivet et Serge Sauvion sont magnifiques, auxquels vient s’ajouter un Jean-Pierre Marielle mémorable, pour une première collaboration avec le cinéaste.

© Studio Canal

René Clément fait un peu partie des cinéastes oubliés, ou plutôt méprisés, de ceux qui ne suivaient pas tout à fait le sens du vent, hors du mouvement lorsque l’heure était à La Nouvelle Vague. Si Plein Soleil reste l’œuvre ayant marqué le plus les esprits, il faut vraiment redécouvrir une filmographie particulièrement intéressante, à la fois populaire et littéraire, nimbé d’un émouvant romantisme. Voyez notamment le formidable et inquiétant La maison sous les arbres qui entremêle justement angoisse hitchcockienne et mystère plus singulier, entre gothique et psychanalyse. Réalisé en 1970, gros succès à l’époque, ce Passager de la pluie enveloppé par la partition de Francis Lai, confronte magnifiquement romance et suspense plus à l’américaine. Et lorsque l’héroïne s’appelle Mélancolie, tout est dit. Ayant tué l’agresseur qui l’a violée, Mélancolie se retrouve harcelée par un mystérieux américain (Bronson) semblant au courant de tout. Commence un étrange jeu entre attirance et peur entre Mélancolie et son étrange harceleur. Marlène Jobert, magistrale comme toujours compose constitue un parfait duo avec Charles Bronson, à contre-emploi et à l’accent américain parfaitement exotique. Le passager de la pluie, une œuvre aussi belle que son titre.

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Et on termine en beauté avec La Moutarde mon monte au nez, LE classique de la comédie française des années 70, toujours aussi désopilant, le génie du gag visuel et du burlesque laissant parfois à penser qu’il aurait pu parfois être muet, si les dialogues n’étaient pas aussi savoureux. Zidi abandonne les Charlots et – même si on les adorait chez lui – passe à une vitesse supérieure avec Pierre Richard, fabuleux clown désenchanté, dont la drôlerie découle toujours des déboires. Pierre Richard n’est pas juste un acteur formidable, c’est un chorégraphe de la maladresse et de la comédie existentielle. Derrière la drôlerie se cache toujours une philosophie d’autant plus indéchiffrable qu’elle reste visuelle. Et puis revoir La moutarde me monte au nez, c’est revoir Jane Birkin qui n’a jamais été aussi belle, touchante, énergique, drôle et insoumise. C’est aussi le plaisir des seconds rôles, d’acteurs aussi regrettés que Claude Piéplu – en poujadiste enragé – et Julien Guiomar, leur séquence commune étant d’ailleurs offrant l’une des plus drôles du film. Si La Moutarde mon monte au nez autant de bien à revoir aujourd’hui c’est parce qu’il présentait la comédie comme un art poétique, libre, tendre aussi, dénuée de tout cynisme, à mille lieues de ce que revendique notre époque. Une madeleine de Proust.

Suppléments

Charlie et ses deux nénettes

Introduction par Jérôme Wybon
Reportage sur le tournage (INA, 13′)
Bande-annonce

Le Passager de la pluie

Introduction par Jérôme Wybon (6′)
Reportage sur le tournage (9′)
Bande-annonce (4′)

La moutarde me monte au nez

Interview de Pierre Richard (1975, 55′)
Bande annonce (3′)
Introduction de Jérome Wybon (5′)

 

Blu-ray édités par Studio Canal

 

 

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A propos de Olivier ROSSIGNOT

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