Katasumbika Coltan de Petna Ndaliko Katondolo : l’écho minéral du passé colonial
En 38 minutes puissamment composées, Petna Ndaliko Katondolo livre avec Katasumbika Coltan un essai cinématographique dense et politique, qui relie l’exploitation contemporaine du coltan en République démocratique du Congo aux racines profondes et souvent invisibilisées de la colonisation. Le film est court, mais son impact est durable : il fait résonner dans le présent les strates du passé, en tissant un montage à la fois sensoriel, historique et engagé.
À travers une construction qui mêle témoignages contemporains, archives coloniales et composition audiovisuelle poétique, le film interroge la continuité des violences extractivistes en Afrique centrale. Le coltan, minerai stratégique utilisé dans nos téléphones, ordinateurs et objets connectés, devient ici le point d’ancrage d’une réflexion plus vaste sur le néocolonialisme, les flux économiques mondialisés et les formes d’esclavage contemporain. Ce que Katondolo met en lumière, c’est l’inertie historique d’un système d’exploitation qui change de visage mais non de logique.
Le geste cinématographique est radical : Katasumbika Coltan refuse la neutralité. Il fragmente les images, désynchronise le son, fait surgir la violence dans le rythme même du film. Loin du documentaire explicatif, il opte pour un langage de la dissonance et de l’évocation : une manière de suggérer l’ébranlement moral que suscite l’écoute des voix congolaises souvent absentes des narrations dominantes.
Cette approche rejoint, dans une certaine mesure, le travail d’artistes comme Jean-Marie Teno, Trinh T. Minh-ha ou Mati Diop, qui déconstruisent les récits coloniaux et explorent les résistances esthétiques. Le montage de Katondolo, volontairement haché, crée un espace de résistance face au discours lissé des archives officielles. La mémoire devient un champ de bataille visuel, et le cinéma, un acte de décolonisation active.
Katasumbika Coltan n’est donc pas seulement un film sur le coltan : c’est un cri contre l’effacement, une tentative de rendre visible l’empreinte du pillage sur les corps, les territoires et les récits. En lessivant les images, en dérangeant le confort du spectateur, Katondolo appelle à une autre écoute, à une autre manière de voir.
Un film-coupure, un film-cicatrice. Et surtout : un film nécessaire.
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