« I remember we were hipsters
Sleeping with our cats
Young and thin and fucking crazy
Fine till something cracked
And we’re not much stronger »

Joliment pulsés, ces mots reviennent comme une litanie sur« Nerve », le second morceau de ce nouvel album solo de Lou Barlow, figure émérite de l’indie rock américain à travers, notamment, Dinosaur Jr qu’il cofonda ou encore les aventures Sebadoh et Folk Implosion. On découvre ici l’auguste et hirsute trublion de l’indé américain à un carrefour, celui de la cinquantaine et du temps qui file, celui d’hier dont on se souvient souvent avec mélancolie et celui de demain dont on ne sait encore rien et qui nous interroge. Désormais, la route est droite mais la pente est forte, comme dirait l’autre.

Sorti chez Joyful Noise Recordings, la structure qui héberge par ailleurs Lee Ranaldo ou encore Son Lux (et qui a publié le dernier album studio de Sebadoh il y a une paire d’années de cela), Brace The Wave est un recueil de neuf chansons enregistrées à la maison en moins d’une semaine autour d’une guitare, d’une voix et de l’ajout malin et inspiré de quelques overdubs (trois notes de claviers par-ci et un ampli de guitare par-là). On pourrait faire plus épuré encore, mais avouez qu’on peut difficilement faire plus simple

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Attention toutefois. Jouer en acoustique (guitare ou ukulélé ici) n’est pas forcément synonyme de lenteur. Le rythme est le plus souvent enlevé ici (à défaut d’enjoué), à l’instar du classieux « Boundaries » et surtout de « Moving » et « Wave », deux des meilleurs moments de l’album avec la belle et inaugurale envolée « Redeemer » (envolée certes mais en rase-mottes) et le plus haché « Nerve ». L’équilibre reste de rigueur pour le reste du tracklisting avec une dominante dépouillée faisant dans le peu marquant (« Pulse » et « Lazy », mouais) comme dans le délectable (le presque cristallin « C+E » et le final ouaté « Repeat »).

Avec sa belle voix de traîne qui fait plus que jamais (et étonnement) penser à un Trent Reznor sous Prozac, sinon dans les moments les plus apaisés à un Glen Hansard (The Frames, Swell Season) dégraissé de sa pesante emphase, Barlow publie ici l’un des plus beaux disques de l’année presque à son corps défendant, bien loin de tout autre ambitieux postulat que de donner forme et vie à ces bouts de mélodies et ces fragments de mots qui l’encombraient.

Un disque de proximité pourrait-on dire avec la simplicité de son propos comme de son enregistrement, un superbe recueil de vignettes discrètes mais marquantes.

« You did your time and I did mine » chante-t-il sur le dernier morceau de l’album « Repeat », voilà en tous les cas avec Brace The Wave de quoi célébrer les joies de la musique indé ménopausée.

Web:

Le superbe (et foutraque) site perso de Lou Barlow

Son Soundcloud

La page de Lou Barlow chez Joyful Noise Recordings

 

Audio/Vidéo:

 

 

 

 

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A propos de Bruno Piszorowicz

6 comments

  1. C’est aussi mon avis m’sieur Loiseux pour ce qui concerne le soin apporté aux mélodies, c’est ce qui m’a tant plu sur cet album. J’ajoute que je suis loin d’être un Barlowphile passionné, non que je n’aime pas mais simplement que je ne connais pas plus que ça sebadoh (un disque chez moi acheté et écouté il y a bien longtemps avant ces dernières semaines) et un peu mieux folk implosion. IL n’y a pas de côté foutraque ou un peu bancal sur ce disque, sans que cela soit péjoratif pour les groupes précités. J’ai abordé cet album de loin pourrais-je dire, sans trop savoir à quoi m’attendre et sans intégrer l’album à la lignée discographique du bonhomme, l’effet n’en a été que plus fort

  2. En fait, Bruno, cet album me semble en réalité très élaboré, mélodiquement parlant, et un peu plus solide que le dernier Sebadoh (qui était plutôt bon et bien supérieur à celui éponyme de 99). Comparé aux sorties de Sentridoh, il n’y a pas photo… Pour moi, Lou a repris du « poil » créatif, son songwriting fait à nouveau mouche, dans la lignée de ce qu’il parvenait à faire avec les opus de 90 à 96 : un mélange de spontanéité amateuriste (flirtant dans ses dérives lo-fi avec l’art brut), d’énergie punk, et d’écriture soigneusement mélodique (voir même d’un certain classicisme pop). Peu arriv(ai)ent à ménager cet équilibre. On le retrouvait dans les meilleures vignettes de GBV, Pavement, etc et bien-sûr chez le Sonic Youth des débuts 90. Un côté peinture fraîche ou esquisse en direct avec un solide génie mélodique en arrière-fond…

  3. Rustik rock agricole

    Tout dépend comment tu lis « paire d’années « . Je le lisais comme dizaine ou vingtaine. Mais peut-être as-tu raison ?

    • Prendre un Bornu par la main

      Je voulais bien parler de deux ans, désolé de l’éventuel trouble ainsi causé (ça m’apprendra à vouloir faire des phrases 🙂 )

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