Pourtant au centre de documentaires, de films de cinéma et fictions télévisées ou encore personnage de bande-dessinées, Mobutu semble être oublié du commun des mortels. Didacteur ogresque, avide d’argent et de femmes, architecte d’un Zaïre unifié et de l’urbanisation des grandes villes, il est certainement le plus connu des tyrans africains. Trente années durant, il règne par la terreur, délaisse son peuple, impose un culte de le personnalité digne de Staline, sans toutefois en épouser l’idéologie, et s’évertue à ruiner un pays cependant riche en minerais.

Néanmoins, il n’est plus rare d’entendre « Qui ? » ou « Vous pouvez épeler, svp ? » à l’évocation de son nom. Si l’autocrate à la toque léopard et aux lunettes cerclées de noir a marqué l’histoire du monde, une partie de celui-ci semble ne plus se souvenir de lui.

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Marc Zinga incarne Mobutu Sese Seko dans ‘Mister Bob’, un téléfilm de Thomas Vincent (2011).

20 ans après sa mort, les éditions Perrin publient cette biographie, sobrement intitulée Mobutu, et écrite par un ancien chef du service étranger du Monde, Jean-Pierre Langellier. Si la volonté de commémorer la mort d’un dictateur aussi cruel et sanguinaire que Mobutu peut paraître étrange, sa publication fait écho à l’actualité de la République démocratique du Congo. Joseph Kabila, fils de celui qui succède à Mobutu, Laurent-Désiré Kabila, refuse de quitter le pouvoir alors que son mandat est terminé, provoquant inflation monétaire, insécurité grandissante et colère de la population. Sans oublier les tensions à l’est du pays et la convoitise engendrée par le coltan à l’origine des violences à l’encontre de la population, notamment sur les femmes et les enfants. En RDCongo, le viol est devenu une arme de guerre.

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BD signée Serge Saint-Michel et Dominique Fages, 1977.

Le livre de Jean-Pierre Langellier rappelle que la République démocratique du Congo n’a jamais vécu des jours tranquilles, ne connaissant pas la paix depuis plus de 50 ans. L’auteur couvre l’histoire de ce géant africain depuis la naissance de Joseph-Désiré Mobutu jusqu’à sa mort en septembre 1997. Il met également en évidence les différentes alliances que Mobutu Sese Seko a pu développer au cours de son règne avec plusieurs puissances occidentales.

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Mobutu dans l’espace, Aurélien Ducoudrey & Eddy Vaccaro, Futuropolis, 2015.

Ce parti pris marque aussi les limites de l’ouvrage Jean-Pierre Langellier qui, à partir de nombreuses références, reconstitue les événements qui secouent l’ancien Congo belge, devenu le Zaïre selon les désirs de son chef d’état qui reste insaisissable. Le personnage n’existe qu’à travers ses faits politiques et ne s’incarne jamais vraiment entre les lignes. Si certains aspects de sa vie privée sont abordés, souvent rapidement, l’impression de ne jamais approcher l’homme perdure. Il est dit que Jean-Pierre Langellier l’a rencontré plusieurs fois, mais aucune trace de ces entrevues ne transparait dans le récit. Rarement, celui-ci s’insinue dans l’antre de la bête et Mobutu reste une figure floue, retranchée dans l’ombre. Le livre se présente comme une accumulation de faits historiques, certes passionnants, tirés de sources de seconde main. Nombreuses sont les notes renvoyant à d’autres ouvrages, articles de presse voire œuvres de fiction ou documentaires, mais aucun témoignage de première main ne vient rendre le livre plus vivant. En s’attachant au factuel, Jean-Pierre Langellier n’élève jamais son livre au-delà du simple récit historique, quelque peu scolaire, bien que clair et précis. De sa lecture n’en ressort pas la sensation de côtoyer les protagonistes de cette tragédie congolaise, de vivre les événements dont ils sont les acteurs. Avec un style relativement simple et de courts chapitres, la lecture s’avère prenante et instructive, malgré quelques tics d’écriture. Mobutu permet de comprendre la situation actuelle de la République démocratique du Congo, quelle place occupe ce pays au sein de l’Afrique.

Mobutu s’attache plus à évoquer l’histoire du pays durant les 30 ans de règne du dictateur que de définir clairement son profil psychologique. Il vient aussi bien trop tard, bien après l’excellent livre de David Van Reybrouck, Congo, une histoire. Par conséquent, il souffre de l’inévitable comparaison que chacun est tenté de faire.

Mobutu
Jean-Pierre Langellier
éditions Perrin, 450 pages, 24€.

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