Maurizio Liverani – « Sais-tu ce que Staline faisait aux femmes ? »

Avouons-le d’emblée, la découverte de Sais-tu ce que Staline faisait aux femmes ? plonge le spectateur dans des abimes de perplexité, entre une réelle curiosité et la franche consternation. Curiosité car nous ne savons quasiment rien de Maurizio Liverani qui signait ici son premier long-métrage et qui ne récidivera qu’une fois six ans plus tard avec une obscure comédie érotique Il Solco di pesca. Sa fiche Wikipédia (version italienne) nous apprend néanmoins qu’il est revenu à la réalisation de documentaires dans les années 90 et qu’il a aussi à son actif une abondante production littéraire (principalement autoéditée).

Sais-tu ce que Staline faisait aux femmes ? se présente comme une satire de la gauche communiste italienne. Aldo (Helmut Berger), est un jeune intellectuel qui décide un jour de réaliser un documentaire sur son histoire et celle de son ami Benedetto pour témoigner ainsi de leur engagement militant. Il s’attache surtout à la personnalité de son ami qui possède la particularité de ressembler physiquement à Staline et qui semble, du coup, imiter le comportement du dictateur avec ses proches (notamment les femmes).

Autant prévenir tout de suite le lecteur, cette tentative laborieuse de résumer le film ne rend absolument pas compte de sa teneur. Le récit est totalement décousu et Liverani nous fait sauter d’une époque à une autre, d’une saynète à la suivante sans prendre la peine de chercher un semblant de cohérence. Çà et là, on comprend qu’il s’agit de railler métaphoriquement l’adhésion aveugle du parti communiste italien aux chimères du communisme soviétique (voir ces moments où le sosie de Staline ne peut jouir que si sa compagne égrène une litanie de noms célèbres comme Marx, Lénine, Trotski, etc.). De manière individuelle, Benedetto répète avec son entourage les exactions propres à Staline et n’hésite pas à jouer –pour prendre un exemple précis- du fouet avec ses conquêtes.

Certaines répliques sont assez drôles mais l’ensemble est vraiment trop hétérogène pour emporter l’adhésion. On navigue entre l’essai (déconstruction du récit, film dans le film…) et la plus obscure série Z avec de jolies pépées qui se déshabillent (chastement) pour un oui ou pour un non et d’étranges scènes mal fichues se déroulant dans des caves humides ou dans un cimetière embrumé (on songe à l’inénarrable Orgy of the Dead de Stephen Apostolof scénarisé par Ed Wood !).

Sans queue ni tête, le film ne parvient pas à trouver le ton juste entre une satire affaiblie par le côté morcelé du récit et des personnages sans consistance ou le charme désuet du cinéma d’exploitation vers lequel lorgne Liverani mais sans en avoir la naïveté et la fraicheur.

Reste alors une belle distribution. Helmut Berger en était au tout début de sa carrière (juste avant Les Damnés de Visconti) et traverse le film comme un ectoplasme un peu inquiétant. Photographe et cinéaste, il compose déjà un de ces rôles « sulfureux » qui feront ensuite sa réputation. Benedetto Benedetti incarne le sosie de Staline mais ce sont les deux actrices qui retiennent l’attention, sans doute parce qu’elles sont bien connues des amateurs de cinéma populaire et « bis ». Nous retrouvons en effet la grande Margaret Lee, déjà vue chez Chabrol (Le Tigre se parfume à la dynamite) ou Delannoy (Le Soleil des voyous) et que l’on croisera aussi bien chez Jess Franco (le superbe Venus in Furs) que chez Fernando Di Leo (dans le curieux Les Insatisfaites poupées érotiques du docteur Hitchcock). Sa blondeur et sa plastique superbe illuminent (malheureusement insuffisamment) certaines scènes du film. A ses côtés, on aperçoit également la belle Silvia Monti qui joua avec Bourvil et Belmondo dans Le Cerveau et que l’on retrouvera dans le magnifique Venin de la peur de Lucio Fulci.

Embarqués dans ce drôle de navire, les comédiens font tout leur possible pour maintenir le cap mais ne semble pas plus savoir que le spectateur où ils vont. Les amateurs de curiosité jetteront néanmoins un œil à ce Sais-tu ce que Staline faisait aux femmes ?, ne serait-ce que pour entendre la belle ritournelle composée par Ennio Morricone qui rythme l’improbable désordre filmique organisé ( ?) par Maurizio Liverani…

Sais-tu ce que Staline faisait aux femmes ?
(Italie, 1969, 80 minutes)
Titre original : Sai cosa faceva Stalin alle donne?
Réalisation : Maurizio Liverani
Scénario : Maurizio Liverani et Benedetto Benedetti
Photographie : Marcello Gatti
Musique : Ennio Morricone
Acteurs : Helmut Berger, Margaret Lee, Silvia Monti, Benedetto Benedetti
Disponible en DVD chez ESC éditions.

 

 

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A propos de Vincent ROUSSEL

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