Charles E. Sellier, Jr. – « Douce nuit, sanglante nuit »

Aussi culte que controversé aux États-Unis, le terrifiant Douce nuit, sanglante nuit de Charles E. Sellier, Jr. est désormais disponible en France, sur un support Blu-Ray proposé par Rimini Éditions. 

La nuit de Noël, le jeune Billy voit ses parents mourir de la main d’un fou déguisé en Père Noël. Des années plus tard – après un séjour dans l’orphelinat d’une mère supérieure fanatique et maltraitante – il trouve du travail dans un magasin de jouets. Tout se déroule normalement, jusqu’à ce que son employeur lui demande de se déguiser en Père Noël pour les fêtes de fin d’année, réveillant irrémédiablement son traumatisme.

Sorti en 1984 et retiré de l’affiche après une semaine d’exploitation suite à des plaintes d’associations parentales, Douce nuit, sanglante nuit – dont le succès fut néanmoins suffisant pour engendrer quatre suites, un projet de remake et une fervente communauté de fans – est un authentique slasher s’illustrant d’abord par son choix de détourner le personnage mythique qu’est le Père Noël en lui donnant les traits d’un tueur psychopathe – comme cela fut notamment fait dans Christmas Evil (1980) de Lewis Jackson et plus tard dans Les Contes de la Crypte (1989) ou 36.15 Code Père Noël (1990) de René Manzor – mais aussi, et surtout, par la satire sociale qu’il constitue. 

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En effet, en dépit de l’extravagance de son scénario, le film aborde avec une grande justesse la notion de traumatisme et les dangers du refoulement, causé ici par une institution (l’orphelinat) inapte à soigner la victime dudit traumatisme – rendant impossible toute forme de guérison ou de réinsertion – et distille par ce biais une critique acerbe de la société américaine, présentée ici comme incapable de juguler sa violence (incarnée à travers la forte présence d’armes autour des protagonistes et la question – centrale – des pulsions sexuelles et homicides) ou prendre soin de ses malades. 

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Douce nuit, sanglante nuit recèle également une critique virulente du puritanisme américain, dont on peut raisonnablement penser qu’elle est la véritable cause de la levée de boucliers que suscita le film à sa sortie. Celui-ci s’en prend en effet sans aucune concession et avec un plaisir évident à l’ensemble des éléments les plus chers à ce pan de la culture américaine, n’hésitant pas à confondre totalement Dieu et le Père Noël – ainsi la Mère Supérieure ne mentionne jamais Dieu ou Jésus dans le film mais toujours le Père Noël, et ce même lorsque ses propos n’ont aucun rapport avec les Fêtes – ou à mettre sur le même plan les figures d’un grand-père sénile et réactionnaire, d’une nonne assez abjecte pour inspirer à quiconque les idées les plus anticléricales et surtout d’un Père Noël présenté par tous les personnages comme plus enclin à punir les « méchants » qu’à offrir des cadeaux aux plus sages – et ainsi brandi, tel Dieu par les pires obscurantistes, non pas comme une source de joie et d’espoir mais comme une menace pour forcer les enfants à bien se conduire. 

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Confrontant avec cynisme et intelligence son spectateur au puritanisme inquisiteur – car plus apte à culpabiliser les victimes qu’à leur venir en aide et obnubilé, en définitive, par le contrôle des moeurs des autres – d’un côté et la charité de façade que chaque « bon citoyen » adopte à l’approche de Noël – cachant ainsi (très mal) sa luxure et son avidité – de l’autre, Douce nuit, sanglante nuit expose par le menu les tares d’une société préférant intimer à ses membres de sourire et taire leurs problèmes plutôt que de les aider, quitte à favoriser ainsi leur aliénation. 

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Virulent, politique, divertissant et profondément marquant, Douce nuit, sanglante nuit est un slasher de haute qualité et un grand moment de satire sociale… le cadeau idéal pour Noël !

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