Arty -llerie lourde pour un karaoké sous kéta

The Witch of King Cross a le mérite indiscutable de nous faire découvrir un personnage remarquable et inconnu : l’étonnante (c’est un euphémisme !) Rosaleen Norton. Femme de tête et d’avant-garde, férue d’occultisme, précurseuse de la sexualité libre et débridée des 60s, adepte de ce qu’on nomme le « sex magick » cher à Aleister Crowley et surtout, messagère de la darkside….
Née en Australie en 1917, cette femme élancée aux impressionnants sourcils circonflexes, lisait Jung et entrait en transe, produisant des tableaux puissants ayant pour figures récurrentes, Lucifer, Lilith, Pan… Des figures aux regards perçants, embrasées par les flammes et les ténèbres dont le magnétisme ne peut laisser indifférent.
Premier reproche : la cinéaste ne fait pas assez confiance à l’aura desdits tableaux, les escamotant trop vite au profit d’une mise en scène surchargée. Idem pour les archives et interviews, comme si elle soupçonnait le spectateur de ne pas avoir l’attention suffisante pendant plus de trente secondes.
Le documentaire de Sonia Bible ne lésine pas sur les effets pour nous faire entrer dans l’univers de la peintre maudite.
Si, au début, on accepte les arbres aux racines XXL, le ciel strié d’éclairs et la bande-son plus que chargée, au bout de la énième reconstitution, cette débauche de moyens produit l’inverse de l’attente escomptée et nous fait totalement sortir du film. On essaye de se concentrer sur la force des peintures et des archives, «concurrencées» par une mise en scène à l’arty -llerie lourde : trombes de musiques, dont la disparité ressemble à un karaoké sous kéta (Berlioz y côtoie du punk rock , du sous indus, etc…), de scènes reconstituées – avec un Pan en vinyle tourbillonnant autour d’une Lilith pseudo goth et d’un Lucifer post grunge dont l’audace finit par virer… au grotesque!
Enfin, que dire du déluge d’effets spéciaux sinon qu’il s’auto-saborde?
C’est fort dommage car le documentaire démarrait bien sur la naissance de Rosaleen en pleine nuit d’orage et que le personnage est fascinant.
Nonobstant, lady Norton est une vraie découverte et ce film, une occasion édifiante de voir les limites de l’expérimentation quand elle n’est pas dosée, donnant tout son sens à l’adage « Less is more »…

 

Un vol plané-planant  : Take a walk on the wildside
« Le mieux est l’ennemi du bien » n’est pas la première expression qu’on aurait en tête à la vision de l’hallucinant et hallu-ciné Fried Barry, c’est le moins qu’on puisse dire…
Tournée en 28 jours sur un an et en partie auto-produite, cette pépite, pauvre en financement et riche en idées, nous vient du sud-africain Ryan Kruger, qui définit son film comme un « E.T. sous crack ».
Est-ce l’histoire d’un junkie possédé par un extraterrestre ou encore d’un extraterrestre qui prend le contrôle du corps d’un cadavre ? Dans ces deux cas de figure (et d’autres versions ne sont pas à exclure !…), notre Barry nous emmène dans une virée chaotique à travers le Cape Town.
Irrésumable, bourré de trouvailles, Fried Barry est doublement hallucinant : comme une near death expérience sous influence, une mort clinique dans un hôpital dément.
Le cinéaste confie avoir souvent donné les scènes à la dernière minute et le pas si vert Gary Green relève autant du performeur que de l’acteur. Une des grandes idées du film est de confronter le mutisme de Barry après une dose – de cheval – d’héro à l’exubérance névrotique de tous ceux qu’il croise. Alors qu’il est en pleine montée, un rabatteur le tire dans sa boîte de nuit. Immense scène où Barry, tout en jeu de mâchoires et clignement d’yeux dilatés, est l’interlocuteur d’un teufeur qui sur-réagit quand Barry dit « old », « Ah oui, moi aussi, j’aime les vieux morceaux », puis « new » « Ouais ouais moi aussi, je kiffe les nouveautés », puis devient le gode humain d’une célibataire affamée !… Gimmick ironique, son entourage répète « Tu sais écouter » tout en débitant leurs monologues désincarnés. Barry sert de magnéto à des paumés ou de défouloir à des ultra violents. En ce sens, sa dérive est tout sauf une invitation à aller à Cape Town ! Un anti-guide touristique de la ville.
Sorte de candide trash dans un monde qui part encore plus en sucette que lui sous l’effet de la drogue, Barry rappelle parfois le jardinier prophète de Bienvenue Mr.Chance, de par la faculté qu’a son environnement à se projeter sur lui malgré son silence et son mimétisme avec la télé. En zappant, il tombe sur un vieux mélo et récite son dialogue à sa femme assoiffée de mots doux, dont le laconique Barry parait dépourvu. Le film séduit tant qu’on épouse le trip de Barry, un peu moins quand il revisite de façon destroy Vol au-dessus d’un nid de coucou ou Marathon Man. Mais la fin surprenante et hardie rattrape tout et ravit. Et toutes les scènes outrancières enchantent de par leur liberté et leur dinguerie ou comment faire d’un supermarché, un lieu de vice… Malgré le côté what the fuck et déjanté, Fried Barry recèle sa part d’ombre.

Voici ce qu’en dit Ryan Kruger :

C’est un film sombre sur la noirceur de la société. C’est certain qu’il y a des thèmes sérieux qui se cachent dans un propos plus ludique.

Ovni bien réalisé qu’on ne risque pas de voir sur nos frileux écrans, courrez le voir à l’Etrange Festival  –il repasse le 12/09 à 21h15 – qu’on salue au passage pour sa capacité à attraper des comètes trippées en plein vol plané-planant !

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A propos de Xanaé BOVE

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