Francis Balle – « Le choc des incultures »

Sale temps sur la culture : fini les princes, fini les rois. Plus de Pivot, plus de pivots. Si l’Entertainment séduit les masses, le monde entier, occidental comme global, semble s’épuiser dans un choix infini de camps : progressiste ou rétrogrades, hipsters ou bobos, Marvel VS. DC, religieux ou athée, FN VS. La démocratie, made in France VS. Hello world ; etc.

Choisis ton camp, camarade : Bienvenue dans l’ère du choix, bienvenue dans Le choc des incultures, par Francis Balle, ex membre du CSA et enseignant en Sciences politiques.

  • Que reste-t-il de nos Humanités ?

Le vrai péché originel de tout ce magma bordélique : la perte de la Volkgeist, qui pourrait être tout autant culture locale, à l’échelle d’un pays ou d’une région, mais aussi les Humanités qui y sont rattachées clairement. Une langue, un dialecte, une haute culture même, typique (Madame Bovary est et ne peut être que française).

La faute, selon l’auteur, à un aplanissement globale de la société : à l’heure de l’hypermodernité et de l’hyperchoix, l’illusion culturelle est celle d’une tension entre une mondialisation galopante, qui lisse dans un aplat de médiocrité (médiatique, etc) et de petites « niches culturelles » dont l’appartenance à l’une ou l’autre définirait notre identité.

Ces pôles sourds de cultures servent alors dans une geste presque contradictoire d’une confrontation entre identitarisme (JE suis ca) et conformisme (ON se ressemble tous).

C’est, selon Balle, l’une (car elles se déploient en multiples ramifications tendues tout au long de l’ouvrage) des sources dangereuses de scission et de tension : en perdant la hiérarchie, on perd l’identité, et le peuple se divise entre les hypermodernes, revendiqués de nulle part, surtout de nulle part, fuyant le poids des aînés et du passé, et, dans un opposé total, les rétrogrades, voyant le monde et les modes passer, seuls garants du vrais pérennes (et on voit bien là pointer les intégrismes).

Moralité : le monde, loin d’être devenu un village global, est un bouillonnement horizontal de micro-cultures (avec un tout petit « c »), allant jusqu’à redéfinir l’idée de nation ou de politique, et dont les tensions, bien loin d’un horizon de guerre mondiale, risque à court terme de provoquer une guerre de fragmentation, où de multiples conflits locaux explosent dans un chaos exponentiel.

Diantre.

  • Education et liberté, horizons nécessaires.

Quelle solution, alors ? Reprenant Michelet (p.90) : « Quelle est la première partie de la politique ? L’éducation. La seconde ? L’éducation. La troisième ? L’éducation. » (Le Peuple).

Mais pas n’importe comment : c’est l’objet de tout le dernier chapitre, le plus enflammé et parfois conservateur. Retrouver le devoir de Vérité, notamment des médias (la presse en prend pour son grade, même si le propos se complexifie ensuite), et un véritable rôle de prescripteur. Sortir de l’Entertainment (qui ne fait que donner ce que le public attendrait, dans une répétition de formes) pour revenir vers la découverte. C’est le rôle de l’école, dévoyée mais qui doit retrouver son statut. En clair, rendre un peu de verticalité, de hiérarchie au monde : parce que c’est ainsi que nait la culture, et qu’on ne peut aller vers l’autre qu’avec elle.

Si le propos est parfois âpre (on est clairement dans la théorie, l’exemple repassera), limite pamphlétaire, et que l’auteur prend bien entendu clairement le prix d’une préservation, d’un « c’était-mieux-avant-les-enfants », ressassant parfois jusqu’à l’ennui, il a au moins le mérite de remettre à plat et en perspective le bain de tentations parfois contradictoires, souvent délétères, dans lequel nous baignons sans nous en apercevoir.

En clair : un temps plus long, apaisé et éveillé de réflexion, sur soi, et sur nos (non-)choix. C’est sans doute par-là que nous retrouverons la nécessaire « sagesse », et par là la culture : la liberté.

Editions de l’Archipel, 144 pages, 15 euros (en librairie depuis le 3 Février 2016)

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A propos de Jean-Nicolas Schoeser

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