Yolande Zauberman – « Classified People »

À l’occasion de sa ressortie en 4K, Classified People (nommé au César du meilleur court-métrage documentaire) de Yolande Zauberman peut désormais être (re)découvert en salles pour la première fois depuis 1987. 

Copyright Shellac

Dans les années 1980, alors que l’apartheid (loi de classification et de discrimination raciale) est toujours en vigueur en Afrique du Sud, la caméra de Yolande Zauberman recueille le témoignage de Robert, jugé métis par le tribunal administratif et renié par sa femme et ses enfants – classés blancs – suite à cette décision, et celui de Doris, sa deuxième épouse – noire – dont il partage la vie depuis 25 ans. Tous deux relatent l’absurdité de cette loi et son impact sur leur vie. 

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Signant ici sa première réalisation – et ayant depuis dirigé huit longs-métrages, alternant entre fiction et documentaire – Yolande Zauberman impose avec Classified People un style des plus intimistes et impressionne par l’extrême maturité de son regard : s’évertuant en effet à ne jamais tomber dans les pièges du militantisme abstrait ou du sensationnalisme, la réalisatrice choisit de filmer l’intimité du couple que forment Robert et Doris, accueillant leurs confidences sans jamais trahir leur pudeur et additionnant ces entretiens d’images d’un homme ivre – dont les élucubrations racistes ahurissantes ne sont ni-plus-ni-moins qu’un résumé des textes de lois qui régissaient alors l’Afrique du sud – ainsi que de prises de vues des différents quartiers de la ville où ils résident. 

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Sondant à travers ces mots et ces images une société gangrénée par des lois absurdes, le film ne dévie cependant jamais de son véritable propos, à savoir brosser le portrait d’un couple parvenant à vivre et s’aimer dans cette même société. Il est ainsi édifiant de constater que, si Doris n’est pas dénuée de véhémence, notamment à l’endroit de la famille de Robert (cette dernière l’ayant rejeté et ses fils ne daignant – très mal – lui parler que depuis peu) celui-ci ne s’apitoie jamais sur son sort et se montre invariablement optimiste, lui et sa femme apparaissant profondément unis et à-même, grâce à cela, de faire face à l’adversité, et ce alors que la discrimination dont fait l’objet la population sud-africaine dure déjà depuis près de quarante ans lorsqu’ils offrent ce témoignage à Yolande Zauberman. 

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La plus grande surprise que recèle Classified People s’avère ainsi être l’optimisme contagieux de ses protagonistes, le film distillant, tout comme eux, l’idée que l’amour et l’humanité peuvent subsister dans les contextes socio-politiques les plus tragiques et que l’espoir est toujours permis, rappelant au spectateur – tout particulièrement trente ans après l’abolition de l’apartheid – combien de temps, d’espoir et de conviction furent nécessaires à l’atteinte de ce but. 

Intimiste et historique, Classified People laisse son spectateur empli d’optimisme et s’impose comme une première oeuvre d’un humanisme rare, à (re)voir absolument. 

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A propos de Alexandre LEBRAC

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