C’est une histoire (trop belle pour être) vraie : celle d’un entrepreneur minier raté qui, rencontrant un géologiste aventurier, découvre le plus gros filon d’or de tous les temps au cœur de l’Indonésie. Le marché s’emballe, les acheteurs affluent, la gloire et la fortune deviennent quotidien.

Sauf que la pépite est véreuse et le filon tari : dès la première analyse indépendante, on réalise que non seulement il n’y a quasiment pas d’or, mais qu’en plus les premiers échantillons ont été volontairement falsifiés pour y ajouter des traces aurifères.

Dans la vraie vie, c’est ce que l’on nomma le « Scandale Bre-X » (du nom de la compagnie) dont David Walsh (devenu Kenny Wells, ici) fut l’initiateur/victime avec un géologiste du nom de Michael de Guzman (Michael Acosta, joué par l’impeccable Edgar Ramirez).

Dans le cinéma, ca donne Matthew McConaughey, Matthew McConaughey et oh ! Matthew McConaughey : « Gold », vraiment ?

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  • Gordon Gekko chez les ploucs

La patate chaude, qui se refile depuis 2011 avec, excusez du peu, entre autres Michael Mann ou Spike Lee pressentis à la réalisation, donnait pourtant a priori tous les atours d’une grande fresque américaine, dont le cinéma tente depuis des décennies de mettre en scène les désirs et peurs de chute de ses héros quotidiens comme de son empire.

Rise and fall, again and again : de Scorcese (à peu près tous les films) à P.T. Anderson (There Will Be Blood, Boogie Night ou même The Master), en passant par De Palma, c’est peu dire que le thème a nourri les plus grands éclats, dans une grande tentative d’expiation du self-made man crucifié sur l’autel de ses péchés, le fantôme de Gatsby au tournant.

Ajoutez à cela un soupçon d’indécision (Wells est-il cerveau ou victime ?), une pointe de thriller financier (l’OPA lancé par les costards de Wall Street, propre à imaginer une description systémique du milieu des affaires) et une description du choc entre les 2 Amériques –celle des ploucs et celle du fric débridé-, tous les voyants semblaient alignés pour un grand film.

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  • Matthew Mactropmangé

Avec tous les efforts du monde (et dieu sait que l’on est capable d’aimer ne serait-ce que son acteur principal), difficile pourtant de caler le dernier opus de Stephen Gaghan (Syriana) dans cette catégorie.

Car dans la liste ci-dessus, il y avait un point commun : l’alliance (voire mieux : la création) d’une forme filmique à la psyché de son héros, provoquant l’adhésion immédiate du spectateur –le baroque d’un Scarface, la noirceur d’un Taxi Driver – et non l’inverse.

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Ventre explosé, crâne dégarni et roulade en slip sale dans la boue, cet artificiel changement physique, pure machine à Oscar (cérémonie qui devrait être sponsorisée par l’amicale des déguisements tant la métamorphose semble en être au fil des ans l’unique horizon) finit par renverser la perspective : au lieu d’être un détail au service d’une narration, il en devient le moteur et l’unique argument.

  • « syndrome de la bidoche »

Et avec l’exhibition de l’artifice vient la lourdeur, comme une mécanique vide : Matthew Macquisue, Matthew Macaudentier, Matthew Macdébraillé.

Aussi discret qu’un éléphant, Matthew Mc-pas-producteur-du-film-pour-rien, s’ébroue, cabotine, horripile, phagocytant le film tout entier comme un Johnny Depp des très mauvais jours (et ils sont nombreux) : c’est Hunter S. Thompson balancé dans Margin Call, le Tom Cruise producteur break-dancer de Tonnerres sous les tropiques échappé dans The Big Short.

Avec ce paradoxe improbable : à force d’être trop là, aucun personnage ne parvient jamais à s’incarner.

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La mécanique cathartique alors se bloque, le film ne peut plus exister : écrasé par son acteur principal, moulinant jusqu’à l’écoeurement, il s’effondre, pris entre deux tentations contraires.

Celle biographique, dont la mise en scène blanche serait le représentant, et celle plus organique et baroque de la folie, avec la séquence du tigre en clef de voûte et le ratage à peu près complet de l’insupportable et interminable séquence indonésienne.

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Pas assez épique pour atteindre la fresque, pas assez intime pour saisir le gouffre humain du Greed is good, pas assez précis pour être un thriller financier, en faisant des caisses sans jamais atteindre sa cible (le discours de remerciement de la cérémonie…), se prenant trop au sérieux pour être une comédie, etc : navigation à vue.

De ce Loup de Wall street cacochyme (qu’il imite parfois jusqu’à la parodie), prévisible jusqu’à l’os, restera la sensation frustrante d’un énorme ratage : celle d’un film qui à l’or préféra l’éclat fake de la pyrite.

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A propos de Jean-Nicolas Schoeser

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