Laetitia Carton – « J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd »

sourds1Laetitia Carton, réalisatrice du très beau documentaire sur le dessinateur Baudoin sorti en fin d’année dernière, revient avec son deuxième long-métrage documentaire, J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd. Peu de temps s’est écoulé entre la sortie de ces deux films, mais ne nous y trompons pas, Laetitia Carton travaille depuis maintenant dix ans sur ce qu’elle appelle le Pays des Sourds. Sensibilisée très jeune à la question des sourds, Laetitia Carton a voulu donné des nouvelles de ce pays mystérieux à son ami Vincent, mort il y a dix ans, celui-là même qui l’avait initié à la langue des signes. Et comme pour son portrait de Baudoin, elle signe là un magnifique documentaire, empreint d’une grande sensibilité, qui nous permet de regarder en face (ou de découvrir plutôt) ce pays fascinant dans lequel, nous, entendants, ne rentrons jamais.

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Que sait-on du pays de sourds ? Que ses habitants n’entendent pas très bien, que certains savent lire sur les lèvres, que d’autres parlent avec leurs mains, que d’autres encore parlent super bizarrement ou encore que d’aucuns s’appareillent avec des dispositifs de plus en plus malins. Bref, on ne sait pas grand-chose hormis ce que l’on veut bien voir. Ce que l’on daigne voir. Car, et Laetitia Carton est là pour nous donner la clef, la porte du pays des sourds n’est pas si difficile à pousser et, derrière, se cache des trésors d’humanité, une culture, une identité, une langue bien plus riche que l’on ne pense, des gens qui ne demandent qu’à communiquer avec les entendants. Mais, finalement, on se demande bien, du sourd et de l’entendant, qui a le plus de mal à entendre l’autre.
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Laetitia Carton vadrouille donc dans ce monde, si proche du notre et si éloigné à la fois, rencontre une troupe d’acteurs, revoie une ancienne amie sourde, un professeur de langue des signes, des militants, des personnes comme vous et moi, bref un monde dans notre monde. Et naturellement, de la souffrance, beaucoup de souffrent. Et la question arrive très vite. De quoi souffrent-ils finalement ? Certainement pas de leur handicap, ou peut-être que si, mais seulement dans la mesure où notre société ne veut pas le voir. Beaucoup souffrent d’être nés dans une famille d’entendants qui ne les comprenaient pas, d’autres souffrent d’avoir été « oralisés » (leur apprendre le langage orale, en force, ce qui leur donne cette diction étrange). Le combat de ce film, outre de fournir un autre regard sur le pays des sourds, se situe dans la reconnaissance pleine et entière du langage des signes. Certes des progrès ont été faits (cette langue existe aujourd’hui au Bac par exemple), mais quand on apprend qu’il y a en France, aujourd’hui, 16 000 enfants sourds pour une petite centaine de place dans des écoles où la langue des signes est enseignée, on a tout compris.
J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd nous donne à voir (et à entendre) une réalité qui nous échappe, nous permet de regarder l’humanité avec les yeux d’un sourd. Et c’est une grande chance qui nous est offerte ici.

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A propos de Marc BOUSQUET

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