Réalisé par Jérémie Périn, Last Man constitue la préquelle animée de la BD de Bastien Vives et de Yves Balak (10 volumes pour le moment !). Laurent Sarfati directeur d’écriture, s’est entouré de Balak, Périn et de cinq autres scénaristes pour assurer l’élaboration de ces 26 épisodes de 12 minutes. Il s’agit en quelque sorte de la genèse du héros de la BD, Richard Aldana ce colosse bougon au cœur aussi gros que ses muscles.

Le décor ? Paxton : aussi corrompue que Gotham ou Sin City, ville imaginaire dans un pays qui l’est tout autant et une époque quelque part entre la nôtre et celle de films de Mafia des années 70. Last Man alias Richard Aldana, suite à la mort de son ami Dave patron de club de boxe qui le sortit de l’ornière, se retrouve affublé du jour au lendemain de son orpheline de fille Siri. Il passe du statut L’irresponsable de lui-même se voit contraint de devenir responsable d’une jeune fille (rien compris à ce début de phrase, lol), cible d’une étrange secte de « roitelets », avec à leur tête un type monstrueux aux pouvoirs surnaturels. Et si Siri, était, elle aussi créature d’un autre monde ?

« C’est japonais » serait-on susceptible d’affirmer en tombant par hasard sur un épisode. En effet, si le dossier de presse annonce Last Man comme la première série d’animation française pour adultes, il s’agit surtout d’adultes ayant été enfants dans les années 80, une œuvre dans le rétroviseur, hommage aux mangas animés de notre enfance qui vit défiler Albator, Goldorak, Cobra et pourquoi pas Candy ! Il est ahurissant de constater combien les programmateurs jeunesse pour le Club Dorothée achetaient indistinctement les dessins animés, aveugles à l’érotisme ou à la violence, se trompant régulièrement de public, considérant que par essence le dessin animé était destiné aux enfants alors qu’ils délivraient tout autant la douceur d’un Candy que l’ultra violence de Ken le survivant. Jérémie Périn le dit d’ailleurs très bien dans le dossier de presse :

Je pense que cette confusion sur la nature du cinéma d’animation est née d’une autre confusion chez nous occidentaux, celle de croire que l’animation est à destination des enfants, parce que les images y seraient « douces », « simplifiées », voire « fausses »

Last Man a donc la douceur d’un punching-ball : violent, ludique, érotique, toujours accompagné d’un second degré réjouissant, et porté par une décontraction et une crudité qui font mouche. On serait sans doute plus sceptique si Last Man ne brillait pas par la sincérité de sa démarche et son ton un peu suranné, comme une série dont l’ambition tiendrait à sa modestie même, celle de la résurrection d’une esthétique révolue qui éviterait tous les excès de la posture geek.

Des méchants éclatants hurlent des « Ah ah ah » avec un rire sardonique, des tronches patibulaires qui font des étincelles quand ils se transforment, des poursuites aussi azimutées que saccadées, enchaînement de plans instantanés comme des flip books, les accélérations accompagnées d’une bande son appropriée, des personnages immobiles en action glissant sur le décor pour provoquer le mouvement : tous les tics formels sont bien là, comme pour nous rassurer. On nage délicieusement dans les poncifs adorés mais c’est juste pour réveiller nos yeux de jeunes téléspectateurs. Avec cet univers graphique marqué aux références évidentes et une animation tout aussi nostalgique, Last Man s’avère une drôle d’histoire qui plonge ouvertement dans le stéréotype tout en y apportant une touche de modernité, en particulier à travers son personnage principal comme sorti de nos banlieues. Aldana est un je-m’en-foutiste un peu loser sur les bords, un apprenti boxer incapable de garder le silence et de résister à l’impulsion lorsque des abrutis se présentent à lui quitte à se faire régulièrement casser la gueule, drôle de leitmotiv ! Last Man délivre un sens du feuilletonesque qui fait plaisir à voir avec ce goût du rocambolesque, du suspense, du coup de théâtre de dernière minute ou de dernier round.

Niveau influence, les créateurs ne s’arrêtent pas à l’animation japonaise. Last Man partage l’héritage de toute une génération de cinéphiles amateurs des séries d’antan, d’épouvante et de tout le cinéma de genre US ou japonais. Il convoque donc plusieurs imaginaires et mythologies fantastiques de l’Amérique à l’Asie. Last Man ressemble alors à un chaudron dans lequel les ingrédients les plus disparates sont mélangés avec amour. Pêle-mêle, voici des yakuzas, des monstres tentaculaires visqueux et des dévoreurs de cœurs tout droit sortis de l’univers de Lovecraft, des parrains scorsesiens à l’accent marseillais, des femmes fatales ou innocentes, une vision dystopique et sexuelle qui renvoie au Métal Hurlant de Gérard Potterton. On croit même parfois reconnaître un amour du cinéma d’horreur des années 90 à la Brian Yuzna pour son délice de transformations contre-nature du corps. Mais tout ce retour en arrière ne serait rien sans un joli regard sur la jeunesse contemporaine, sa gouaille, son impertinence et sa fureur de vivre. Il a d’ailleurs été ici-même testé et approuvé par un adolescent avide de connaître à chaque générique de fin la suite des aventures.

Dès lors, difficile de ne pas enchaîner les 26 épisodes, haletants, bien rythmés, avec leur savoureuse punchline, accompagnés d’une bande originale électro-vintage totalement adéquate. Last Man constitue donc un véritable plaisir propre à nous faire voyager dans le temps tout en conservant un pied dans le présent.

Suppléments :
– Le making of de la série (1h30)
– Le doublage
– Les décors
– La conception de la musique
– Les influences musicales
– Les scénaristes
– 3 épisodes commentés par le réalisateur et le scénariste
– L’épisode 1 en animatique
– 3 Comparatifs du story-board avec les résultats définitifs
– Le clip musical de la série
– Des bonus cachés

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A propos de Olivier ROSSIGNOT

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