Tulio Demicheli, Hugo Fregonese – « Dracula contre Frankenstein »

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L’un des grands classiques du cinéma fantastique est de faire se rencontrer les grands mythes que le genre a engendrés. Encore relativement récemment, Freddy affrontait Jason et Alien croisait le chemin de Predator. Mais ces confrontations ne datent pas d’hier et le créateurs ne se privèrent pas de mêler les registres et les tons : les « deux nigauds » Abbott et Costello ne furent jamais meilleurs que lorsqu’ils affrontèrent les grands mythes de la Universal (Frankenstein, l’homme invisible, la momie…) et l’on se souvient également d’un croustillant Jesse James contre Frankenstein de William « one-shot » Beaudine qui scellait les noces d’une des plus célèbres créatures du fantastique et du western.

Réalisé par deux prolifiques artisans d’origine argentine (Tulio Demicheli et Hugo Fregonese), Dracula contre Frankenstein nous promettait de nouvelles et improbables hybridations.

Le film débute de manière surprenante car plutôt que de jouer la carte du cinéma d’épouvante gothique à laquelle on pouvait s’attendre, il s’amorce comme une véritable œuvre de science-fiction. Des extra-terrestres fuyant leur planète projettent d’envahir la terre. Plutôt que de céder à la facilité en exterminant toute la population humaine (ils n’ont pas la vulgarité de nos militaires!), ils se réincarnent dans les corps de deux grands scientifiques chargés de ressusciter les plus mythiques des monstres : Dracula, la créature de Frankenstein, le loup-garou et la momie…

On l’aura compris, le titre original (Los monstruos del terror) est plus conforme à la réalité du film que la traduction française. Il s’agit effectivement d’un véritable défilé de ces créatures monstrueuses qui marquèrent les esprits des spectateurs de tous âges. Cet hommage appuyé à l’âge classique s’explique par le fait que Paul Naschy a signé le scénario du film. Après le succès des Vampires du docteur Dracula qui marqua l’avènement d’un « âge d’or » du cinéma fantastique espagnol en 1968, Naschy va se spécialiser dans l’écriture et (parfois) la réalisation pour nous proposer une série de relectures inégales mais passionnantes des grands mythes du fantastiques. L’ancien culturiste incarnera lui-même de nombreuses créatures monstrueuses, avec une prédilection particulière pour le loup-garou Waldemar Daninsky dont il endossera les traits une bonne douzaine de fois.

Même si le projet est éminemment sympathique, il faut bien reconnaître que le film n’est pas tout à fait à la hauteur. Le scénario est assez confus, avec une ribambelle de personnages dont on peine parfois à bien définir la fonction, et la réalisation manque un peu de nerfs, de souffle. Le film souffre peut-être de ce mélange improbable entre le film d’extra-terrestres (Alain Petit souligne justement dans un des suppléments du DVD que le scénario est assez semblable à celui de… Plan 9 from outer space d’Ed Wood!) et le tribut offert au cinéma d’horreur gothique (avec le fameux château du Dr Orlof qui sert encore une fois de décor ici). Si certaines scènes de résurrection sont assez piquantes (notamment celle de la momie), l’ensemble demeure un peu trop hétérogène pour emporter l’adhésion.

Finalement, ce qui séduit malgré tout dans cette petite série B, c’est son côté carnavalesque. Il subsiste ici un vrai plaisir enfantin à voir défiler ces monstres poilus, griffus ou sévèrement dentés. Naschy ne se moque pas du genre et se le réapproprie avec une naïveté confondante mais, au bout du compte, assez émouvante.

Le spectateur se retrouve un peu dans la peau des extra-terrestres au début du film : convaincu d’abord qu’il faut être intransigeant avec ce genre de film bricolé à la diable, il finit par se laisser gagner par une certaine émotion et par se persuader que la grandeur de ce type d’œuvre, ce sont aussi leurs faiblesses…

Dracula contre Frankenstein (1970) de Tulio Demicheli et Hugo Fregonese avec Paul Naschy, Karin Dor.

Éditions Artus Films

Sortie en DVD le 1er septembre 2015

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A propos de Vincent ROUSSEL

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