Chepitko / Klimov, un couple du cinéma soviétique

En avril 2017, Potemkine a sorti un coffret attendu depuis de longues années par les cinéphiles connaisseurs du cinéma soviétique.

Tout d’abord, ce coffret permet de découvrir une cinéaste quasi méconnue en France, pourtant l’une des plus importantes cinéastes de l’époque soviétique, Larissa Chepitko.

C’est en 1966 que Larissa Chepitko réalise Les Ailes (Krylia), un très beau film élégiaque sur une ancienne pilote de guerre, devenue directrice d’institut qui, malgré le respect dont elle est entourée, ne trouve plus sa place dans sa vie et sur terre. De brefs moments de réminiscences ou de rêveries font irruption dans le présent diégétique, racontant son désir permanent de l’envol.

Son deuxième film, présent dans le coffret semble rimer avec ce désir de l’héroïne des Ailes, puisqu’il s’appelle L’Ascension (Voskhozhdenie, 1976). Si cette dernière (ascension) est plus métaphorique, le film ne manque pas d’être une oeuvre incontournable sur la Seconde guerre mondiale. Chepitko livre un film d’une rare puissance visuelle et ose une transformation aussi étonnante que rare dans le cinéma soviétique, puisqu’un récit de guerre et de partisans se transforme en cours de route en fable religieuse aux accents Dreyeriens.

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Ce coffret permet également de redécouvrir de façon plus complète l’oeuvre d’Elem Klimov, mari de Larissa Chepitko, qu’on connaît en France surtout pour son Requiem pour un massacre (Idi i smotri, 1985), un film terrifiant sur la Seconde guerre mondiale et l’occupation nazie du territoire biélorusse, vues par les yeux d’un enfant. Les spectateurs français seront ainsi étonnés et ravis de découvrir que Klimov a commencé par des comédies. La première d’entre elles, le film de fin d’études du cinéaste, Bienvenue ou accès interdit aux personnes non autorisées (Dobro pozhalovat’ ili postoronnim vkhod vosprechtchen, 1964) est une ode à la liberté et à la joie. Film typique du dégel (même s’il arrive à la toute fin de celui-ci), il y oppose le héros principal, un enfant inventif et rebelle, qui fonctionne comme une sorte d’agent de contamination en semant la zizanie partout autour de lui, à un système sclérosé représenté ici par la colonie de vacances et surtout par son directeur, brillamment interprété par Evgueni Evstigneev. Cet acteur, une véritable star de la comédie soviétique, parvient à rendre le personnage du directeur à la fois ridicule et touchant, en ce qu’il porte la fatigue et la désillusion de toute une génération de communistes qui ne comprennent pas les nouvelles humeurs libertaires qui embrasent le pays au moment de la déstalinisation et du dégel. Ce film virevoltant, d’une grande humanité, respire la joie de vivre et un véritable espoir dans un renouveau social.

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Le coffret permet de suivre l’évolution de Klimov, dont les thématiques et le style s’assombrissent peu à peu.

Les Adieux à Matiora (Prochtchanie, 1981) constitue une oeuvre singulière et une sorte de fusion entre les univers des deux cinéastes.

Déjà dans leurs premiers films, Klimov et Chepitko partagent des préoccupations et des visions communes. Même s’ils sont traités dans des tonalités différentes, il n’est pas anodin que Les Ailes et Bienvenue se finissent tous deux sur un envol. Les Adieux à Matiora devait être un film de Larissa Chepitko. Mais celle-ci meurt dans un accident de voiture avec plusieurs membres de son équipe, alors que le tournage venait juste de commencer. Elle a à peine plus de 40 ans. Elem Klimov décide alors de terminer le film à sa place. L’oeuvre puissante qui en résulte, intitulée en russe L’Adieu, devient ainsi un point de convergence de leurs deux parcours de cinéastes. Le film offre au spectateur quelques moments d’une grande vivacité et joie, mais le malheur, la perte guettent toujours.

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Le coffret contient également le court film documentaire consacré par Klimov à son épouse décédée, Larissa.

Des films à ne pas rater donc car ils permettent de découvrir une part de la cinématographie soviétique trop peu montrée en France et de mieux comprendre les trajectoires cinématographiques de ces deux cinéastes hors pair.

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COFFRET LARISSA CHEPITKO – ELEM KLIMOV édité par Potemkine
Bienvenue, ou Accès interdit aux personnes non autorisées   Elem Klimov (URSS / 1964 / 74’ / Prix du jury pour la jeunesse – Cannes 1966)
Les Ailes   Larissa Chepitko (URSS / 1966 / 103’)
Raspoutine, l’agonie  
Elem Klimov (URSS / 1974 / 152’ / Prix FIPRESCI – Venise 1982)
L’Ascension   Larissa Chepitko (URSS / 1976 / 110’ / Ours d’Or et Prix FIPRESCI – Berlin 1977 / Meilleur film – Festival d’Union soviétique 1977)
Les Adieux à Matiora   Scénario : Larissa Chepitko – Réalisation : Elem Klimov (URSS / 1981 / 128’)

 

Vous pouvez commander le coffret sur le site de Potemkine

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