Mercredi 9 juillet : reprise de la compétition au Louxor avec « Party Girl », le premier film des français Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis, Caméra d’or à Cannes cette année, et « A Cappella », un premier film sud coréen de LEE Su-Jin. On revient sur le terreau des réalités sociales, avec le premier qui s’inscrit dans la tradition du cinéma naturaliste, et le second, portrait sensible d’une jeune lycéenne impliquée dans un drame mystérieux.

« Party Girl » est un premier film sous influence : caméra embarquée avec le personnage, montage très alerte des scènes… Le flux visuel épouse l’énergie du personnage principal, voire sa fantaisie et ses regains d’immaturité. C’est Angélique, la soixantaine, une entraîneuse qui officie dans une boîte de nuit à la frontière allemande. Elle rencontre Michel, un des habitués du lieu, qui lui propose rapidement de l’épouser. Angélique a alors l’opportunité, qui est peut-être la dernière, de retrouver une existence rangée même si son ancienne vie nocturne – l’alcool, la fête et l’amitié des autres « party girl » – lui manque… Ce portrait féminin s’inscrit dans une veine naturaliste (la région lorraine, le brassage des langues française et allemande, un milieu social populaire), et restitue de façon stylisée une réalité qui semble prise sur le vif mais enchaînée très élégamment, voire musicalement, comme une suite de sensations qui traduirait la « dérive » d’Angélique, sa façon d’être entière au présent, sans calcul, au risque de graves inconséquences. « Party Girl », plus que la psychologie ou les explications, est un théâtre comportemental, de gestes, d’élans, de contradictions. Malgré ses qualités, on peut reprocher au film une certaine sagesse, et le fait de sacrifier le développement des scènes dans la durée, pour une efficacité de rythme et du montage qui en ferme le contenu. La qualité de « Party Girl » en signe aussi la limite : le film est un peu superficiel et nous laisse à distance de ce qui s’y déroule. Son meilleur atout reste son casting et sa direction d’acteurs non professionnels : des originaires de Lorraine et pour la plupart, des membres de la famille de l’acteur et co-réalisateur Samuel Theis, manifestement authentiques (sortie prévue le 27 août 2014 (Pyramide)).
« A cappella (Han Gong-Ju) », du réalisateur sud coréen LEE Su-Jin, est présenté par sa distributrice Bich-Quân Tran (Dissidenz Films). Elle prie les spectateurs de parler du film autour d’eux pour en soutenir la sortie future, mais surtout de ne rien révéler de son drame. Or, c’est bien dans celui-ci que réside tout le problème, bêtement « éthique », du film : montrer l’évènement ou ne pas le montrer, construire un suspense dramatique autour de cet « irreprésentable », trouver le ton juste pour ne pas basculer dans un voyeurisme indécent. Il en va aussi de la nature du projet, et du film que le réalisateur cherche réellement à faire : dresser le portrait sensible d’une adolescente perturbée ; montrer son parcours de reconstruction ; ou instruire le procès de la société coréenne et de ses iniquités?
 
« A Cappella » confond toutes ces pistes en jouant sur une mise en scène atmosphérique, un peu rêveuse et entrecoupée de flashs-back indiscernables. Le film démarre sur un postulat quasi-kafkaïen : Han Gong-Ju, l’héroïne, est une lycéenne « coupable » et persécutée pour des raisons inconnues (déménagement, privation d’appels, éloignement des parents). On l’oblige à changer de ville et d’établissement. Han Gong-Ju est mise sous surveillance, installée dans un nouveau logement, sommée de garder le silence en attendant que l’affaire « se tasse ». Réintégrée, elle démarre une nouvelle vie avec, peu à peu, de nouvelles amitiés. Mais ses mauvais souvenirs persistent et s’interposent. « A Cappella » est après « Chemin de Croix » de Dietrich Brüggemann, un film à « grand » sujet, bien pesant (une manière de martyr contemporain lui aussi), et tout autant, un travail de mise en scène très soigné. Il perd en grâce dès qu’il se met à expliciter le comportement du personnage et son traumatisme, pour tout révéler de l’intrigue. Le film aurait gagné à demeurer dans le registre suggestif de la première partie, sans trop verser non plus dans la psychologie, ni recourir à un bazar symbolique (se libérer au moyen du chant et de la musique ; apprendre à nager pour garder littéralement la tête hors de l’eau). On ne peut que regretter ces enjolivures, et le lyrisme final, qui érige l’héroïne en emblème de la condition féminine et de son martyr. Le film force la compassion du spectateur, et partage. Sa cause est juste mais le traitement du sujet, tout en louvoiement et contournement poétique, indispose réellement.

 

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