Valérie Mitteaux – « Fille ou garçon, mon sexe n’est pas mon genre »

Bonne nouvelle : diffusé ultérieurement sur Arte en 2011 (où il fut plébiscité par la critique et l’audimat), le passionnant documentaire de Valérie Mittaux, Fille ou Garçon, mon sexe n’est pas mon genre, sort en salles.
Valérie Mitteaux a un gout et un talent pour donner la parole aux minorités et en remontrer au préjugés : ainsi, son travail sur la communauté rom, avec le succès de Caravane 55 (diffusé sur France 5, Planète…que le milieu associatif et les Roms eux-mêmes se sont complètement appropriés) et sa suite, 8 avenue Lénine, qu’elle réalise actuellement ( ces deux films co-réalisés avec Anna Pitoun) ; le milieu LGBT avec Le baiser de Marseille (qui questionnait des homophobes par rapport au mariage pour tous) et ce film-ci sur les pas de quatre femmes qui ont fait un choix radical : changer de sexe.
La réussite première du film tient à la faculté de Mitteaux de rendre universels ces parcours à priori atypiques. Déjà en accordant un réel temps de parole à chacun de ses témoins et surtout, en nous offrant quatre portraits de belles personnes qui dans leur quête de liberté, nous tendent un miroir existentiel, au-delà de la question du genre.
Soit, quatre femmes pas nées dans le bon corps. Une en France, deux aux Etats Unis, la dernière en Espagne. Il(le)s témoignent avec une lucidité rare. L’entrée en matière est percutante : tee-shirt punk rock, cheveux ébouriffés, Lynn, le plus spectaculaire des quatre (au sens du show généreux et outrancier à l’américaine) apostrophe son public : J’ai l’air de savoir, si je suis une fille ou un garçon ?

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Lynn perpétue une certaine (contre)culture du travesti, rappelant les meilleurs moments des films de Warhol/Morrissey : Holly Woodlawn dans Trash ou la géniale Divine chez John waters, notamment par le tandem bancal et fort en gueule qu’il forme avec sa mère. Cette grande bourgeoise a tenté vainement de féminiser son jeune garçon manqué en l’inscrivant dans une charm school censée apprendre aux petites filles des basiques féminins, comme la révérence !  Le film de Valérie Mitteaux acquiert une dimension universelle par son questionnement intelligent des stéréotypes liés aux genres et les dikats qu’ils engendrent. Rapidement se pose la question de la domination masculine dans notre bonne vieille société patriarcale. Ainsi, un joli montage parallèle nous fait passer des rails à l’intérieur d’un train : nous quittons Lynn définitivement hors des rails, pour rencontrer Kaleb qui a fui la voie toute tracée de la grande fille blonde à la séduction facile, ne se sentant ni fille, ni femme.

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 J’avais envie d’être une personne, pas un objet de désir. Kaleb soulève un point essentiel : renoncer à la beauté, c’est un sacré deuil. Même écho chez Rocco de New York qui livre une intéressante réflexion sur le privilège du masculin et ce qu’il va faire de ces privilèges, maintenant qu’il est passé du côté du pouvoir. Enfin, quatrième son de cloche de la part de Miguel, à Barcelone, pour qui c’est la case, le problème. Si on t’agresse en tant que femme, tu ne souffres pas d’être une femme, mais d’avoir été agressée.  

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Bien que très différents et dotés de personnalités affirmées (chacune à leur façon), Rocco, Lynn, Kaleb et Miguel partagent une ouverture d’esprit similaire et une interrogation intelligente sur les étiquettes sociales et le poids des conventions. En cela Fille ou Garçon est un documentaire captivant. La réalisatrice nous fait rencontrer avec générosité et pédagogie des personnes attachantes et évoluées, ayant fait un choix courageux et extrême, militant subtilement pour des plus grandes égalités entre le masculin et le féminin. Jusqu’au témoignage touchant de Kaleb qui dit vouloir tirer parti du meilleur des deux sexes et se définit comme trans féministe.

Il y a encore du chemin à faire avant que la société de consommation ne sorte des sentiers battus du sexisme. Avec ce film-là, Valérie Mitteaux contribue à faire avancer ce débat essentiel et sans fin.

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