Zorn en serial – épisode 7a : "la débâcle"

Non, non, non. Nous ne voulons pas dire par là que Zorn est devenu un satyre croulant. Non, Zorn vieillit bien. Il a même fini par avoir notre peau à l’usure. Occultisme et flûte de pan, son imagination est plus maladivement productive que jamais. En revanche, c’est de notoriété, un serial ça s’essouffle sur la durée, surtout le staff technique, les scénaristes en grève, le réa surmené… Arrivé au #7, le filon sent un peu le souffre mais ça on le savait depuis le début vu le mauvais grain qui passait par la filière. Puisqu’il faut tout de même assurer l’émission au pied levé dans notre studio déserté, je me contenterai de vous livrer, en guise d’épitaphe bricolée, ces quelques pistes de traverses (6, précisément) qui vous permettront de poursuivre le serial par vous-mêmes. Les ingrédients ne manquant pas, on ne doute pas, pervers que vous êtes, que vous saurez y trouver votre fiel.

Attention ! Vu l’ampleur de la tâche, cet épisode sera découpé en deux copieux tronçons, a et b, diffusés coup sur coup. Nous vous prions donc de revenir derrière votre écran, tout de suite après la petite pause de rigueur (mais sans publicités), afin d’assister à la deuxième partie de notre programme.

 

zero :
il est libre Zorn, voltige et improvisation
Nos spectateurs les plus aventureux, amateurs d’improvisation libre sans filets ni limiteur sonore, pourront s’abreuver à la source, assez râpeuse, des premiers « Game Pieces » de Zorn : Lacrosse (1977), Pool, Hockey et Archery (1980) qui ont été compilés dans le copieux coffret Parachute Years. Le génèse de Cobra s’y joue en très bonne compagnie d’improvisateurs : Eugene Chadbourne à la guitare, Polly Bradfield au violon, Tom Cora au violoncelle, Wayne Horvitz au piano électrique, etc.
Pour ce qui est des duos improvisés, on renverra nos têtes brûlées culturophiles à ceux que Zorn entretient avec le guitariste Fred Frith (The Art of Memory (I, 1994) et II (2008), Late Works (2010)) ou l’hybrio-vocaliste-hurleur Yamatsuka (ou Yamataka) Eye (Nani Nani (I, 1995) et II (2004)), tous deux membres, futurs ou passés selon les enregistrements, du combo Naked City.
Enfin, les enregistrements live commémoratifs du 50ième anniversaire de Zorn (50th Birthday Celebration, 2004-2005) contiennent plusieurs volumes de Zorn en duos ou trios tonitruants : Milford Grave, Susie Ibarra, Wadada Leo Smith, Arto Lindsay…
uno :
Kiss my jazz : bird, zorn and cats
Avant Masada, Zorn œuvre déjà saxophone en bandoulière au sein de combos jazz presque mainstreams, que ce soit aux côtés du pianiste Wayne Horvitz dans le « Sonny Clark Memorial Quartet » pour l’album Voodoo (1986) ou aux côtés de Bill Frisell pour les deux volumes de News from Lulu (1988 et 1992, en hommage à l’actrice Louise Brooks). On le retrouvera de nouveau acoquiné à Wayne Horvitz mais également au guitariste Elliott Sharp et au batteur Bobby Previte, pour un Downtown Lullaby (1998) aux sonorités un peu plus expérimentales.
On n’oubliera pas de vous renvoyer non plus à l’harassant Spy vs Spy (1989), relecture hardcore du répertoire d’Ornette Coleman à deux saxophones alto, Zorn et Tim Berne, et deux batteries, Michael Vatcher et Joey Baron! Cet opus, précède et préfigure autant Naked City que Masada dans les montées les plus hardcore.
En dernier lieu, le Nova Express Quartet, avec le pianiste John Medeski à sa tête, est l’une des dernière formation montée par Zorn (il n’y participe que sporadiquement) à se rapprocher le plus du jazz : Nova Express (2011), The Concealed (2012)…
dué :
sur les champs d’exécution, quelques holocaustes sonores
Ouille, ça fait mal, partagé comme Naked City entre les deux extrêmes du harcore et de l’ambient, mais lorgnant aussi vers le dub, Painkiller est l’autre formation « rock » extrême et historique de Zorn. Au casting, on retrouve Zorn himself plus Bill Laswell à la basse et Mick Harris de « Napalm Death » à la batterie. Durant sa courte existence (1991-1994), le trio publie 3 albums studio (Guts of a Virgin (1991), Buried Secrets (1992) et Execution Ground (1994)) et un concert live in Osaka (1993) collectés dans le coffret Collected Works (1997).
Autre aventure en terre plus noise que free mais également enveloppée d’airs klezzmer moins contondants, l’album Kristallnacht (1993) composé par fiches, évoque la tristement célèbre nuit de cristal de 1938, durant laquelle les nazis organisèrent un pogrom particulièrement violent contre les communautés juives, incendiant les synagogues, tuant et brisant les vitrines de milliers de commerces (et entreprises) juifs. Le titre Never Again comporte notamment une fameuse mise en garde contre les effets nocifs que pourraient provoquer l’écoute de ses extrêmes fréquences aigues…
tre :
les révérences, hommages et évocations
Un autre aspect peu vu dans notre serial, si ce n’est avec Godard ou Spillane, sont les pièces hommages que Zorn dédie à des figures artistiques tout en essayant d’évoquer, de façon très suggestive, leur univers. L’album Elegy (1992), qui voit la première immersion de Mike Patton dans l’univers musical de Zorn est dédié à Jean Genet, Duras : Duchamp (1997), à qui de droit, et le récent Rimbaud (2013), plus instrumental, avec l’acteur Mathieu Amalric invité sur le titre conneries, itou.

Composées le plus souvent par fiches comme Godard et consort, ces pièces mélangent narration vocale (même sur le mode inarticulé de Mike Patton) et bruits concrets (le bruit de frottement de la pointe d’un stylo sur le papier pour Duras), tissant une atmosphère cinématographique, faite d’ambiances et de climats, se succédant dans un déroulement presque dramatique. Malgré l’attention que requiert la longueur des morceaux, elles font partie de la partie assez accessible de l’œuvre de Zorn, sorte de cinéma pour l’oreille our lequel il est facile de raccorder ou d’inventer un synopsis imaginaire.

 


Jean-Luc Godard, « A Bout de Souffle », 1961

 

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A propos de Robert Loiseux

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