Avec plus de 150.000 spectateurs cumulés le long de trois beaux et longs jours caniculaires, l’édition 2014 du Hellfest restera celle de tous les records, tant du côté donc des résultats chiffrés que d’une affiche qui n’a jamais été (et ne sera peut-être plus jamais) aussi dense et riche.
 
Comme chaque année, quelques améliorations du site sont relevées (davantage de toilettes, l’extrême market déplacée avant l’accès au site pour dégager de la plage devant les mainstages, le coin restauration prenant sa place non loin de l’entrée principale) ainsi que quelques innovations (la grande roue ou encore l’accès au site côté VIP/Presse déplacé, toujours dans l’idée de dégager de la plage face aux principales scènes). L’essentiel cela dit est toujours là, six plateaux proposés histoire de balayer le plus largement possible toutes les facettes et toute la diversité du metal, du plus rock au plus lourd, du plus punk au plus grind.
 

Photo : Benoit Pé

Cinquième et sixième scènes du Hellfest, la paire Valley/Warzone complète à merveille celle brillante/implacable/grand public des mainstages et celle nauséeuse/belliqueuse/lugubre des extrémiss’et sataniss’. La Warzone comme paradis du hardcore énervé et du punk braillard, une petite plaine un peu à l’écart du cœur de site, une petite arène rendue encore plus poussiéreuse encore par les agitations (pogo, circle pit) d’une foule taquine et exaltée. La Valley d’autre part, toujours à jouxter l’entrée principale de son chapiteau sentant bon le petit cirque de l’occulte, refuge tout indiqué pour les amateurs de doom lancinant et de sludge boueux (à moins que ce ne soit l’inverse), sans parler du stoner brumeux.
Si la mitoyenneté est de mise pour les deux doubles scènes Mainstage et Altar/Temple, la programmation Valley/Warzone s’écoute pour sa part sur deux sites sensiblement distants l’un de l’autre et dont les positions respectives ne sont d’ailleurs pas sans poser des problèmes. La proximité de la Valley avec le double chapiteau extrême ainsi que l’affluence record d’un côté comme de l’autre n’a ainsi pas été sans hiatus quand la frange du public de la Valley qui se trouvait à l’extérieur de celle-ci se prenait dans un coin de l’oreille les soundchecks et concerts de la scène d’à côté. Mix expérimental intéressant lorsque le groupe jouant à The Valley s’avère ennuyeux, situation plus embêtante quand la musique y est bonne (ce qui fut souvent le cas). Côté Warzone, son accès fut bien plus compliqué que l’an dernier, affluence là-encore oblige, notamment à l’accès en eau potable positionné juste dans le relatif étroit goulet amenant le public au pied de la scène. Réserves il y a donc même si noyées dans trois jours de pur plaisir, soyez rassurés.
Vendredi  –  Nothing But A Good Time
Premiers concerts à 11h05 d’un côté puis à 11h40 de l’autre, First Blood (Warzone) et Conan (Valley) ou la victoire de Stallone sur Schwarzenegger. Une arrivée sur site en début de matinée n’aura pas permis de profiter comme espéré du ciel rouge de Mars (Mars Red Sky, manqué de peu, du moins visuellement). Par contre il fut possible de profiter de la musique sans fioritures de First Blood (titre du premier Rambo, titre aussi du livre adapté soit-dit en passant). Set parfait pour se mettre dans l’ambiance avec une musique lourde mais claire, comme la voix du chanteur. Hardcore oblige, le simili-prêche de ce dernier nous met aussi dans l’ambiance d’une journée très verbeuse de ce côté-ci du festival, incroyable comme les chanteurs du genre ont toujours un petit quelque chose à dire entre deux speederies agitées et deux circle pits faisant s’élever de petits nuages poussiéreux et terreux. Dans la pénombre de la Valley, Conan proposa pour sa part, et sans déplaire, une vision peut-être un peu trop light du doom pour pleinement convaincre. Retour furtif au cagnard ensuite avec les gallois de Brutality Will Prevail pour un set efficace de hardcore métallisé avant de plonger avec délice dans les eaux claires et colorées de Caspian.

Caspian

On peut être amateur de doom ou de sludge et apprécier aussi quand le Hellfest permet de découvrir des facettes plus marginales du metal. Cette année cette belle découverte arriva vite, dès le premier jour à 12h50 dans la Valley. Caspian est son nom. Sa musique est de celle qui vous enveloppe, qui gentiment s’enroule autour de vous, patiemment, pour vous transporter vers d’autres contrées, quitte à vous étouffer par moment. La musique c’est aussi ça, une expérience physique. Le metal a cette capacité de nous transporter loin, de jouer avec nos sensations. Les morceaux sont longs (10 minutes pour le dernier) l’esprit vagabonde, le corps petit à petit perd de son unité et chacun des membres vit cette musique de manière différente. Une véritable expérience sensorielle. Caspian n’est certes pas Sunn o))) avec des guitares plus paisibles que pesantes et un aspect global plus léger, Caspian c’est peut-être une version pop du doom, mais au final le côté sensoriel est bel et bien là. La première vraie révélation du festival. Rude transition avec Stick To Your Guns en guise de calque de First Blood à base de discours politique, de hardcore ultra-efficace et de circle pits pour enrober le tout. Aspect non négligeable pour le groupe, le chanteur énervé et bondissant comme il se doit mais avec une voix plus posée que la moyenne, ce qui n’est pas sans caresser l’oreille dans le bon sens.
Les nombreux aléas des annulations et changements d’horaire, écueil qu’aucun festival ne peut éviter, nous permirent, après le concert correct mais sans grand éclat de Kadavar, d’attendre le début de soirée avec Kylesa. Très (trop ?) proche des versions présentes sur les albums, on pouvait être un peu déçu de leur rigoureuse prestation. Reste le plaisir de les voir jouer ces compositions sur scène, ces deux batteries et ce mélange des deux voix, féminine et masculine (Laura Pleasants et Phillip Cope) et une musique toujours impeccable. Pro Pain monte ensuite sur scène côté Warzone pour un set énergique de hardcore crossoverisé, ponctuant comme il se doit chaque morceau d’un petit solo de guitare virtuose, toujours aussi surprenant pour qui les découvre. Cette première journée se termina du côté de la morgue plaine hardcore avec les très attendus américains de Walls Of Jericho pour une prestation impeccable de rage, groove et fureur. D’excellents musiciens qui jouent au taquet un hardcore hargneux et brillamment saccadé, le tout avec la phénoménale Candace au chant, très jolie avec ses longs cheveux rouges et fuckin’ incredible pour ce qui est de son énergie pure. Un excellent concert, mais ce n’est pas le premier de leur part sur les terres Clissonnaises, pas le dernier non plus nous l’espérons.

Pro Pain

Ambiance de grand-messe enfin à minuit pile lorsque Electric Wizard entame un set hypnotique (comprendre plus lent que tout ce que vous pouvez imaginer), lourd et psychédélique, mélange parfait pour le lieu et l’heure du concert malgré la voix du chanteur qui appauvrit sur la longueur une musique en tout point remarquable. En dépit de ce très réussi concert, le set d’Electric Wizard nous interroge sur certaines formes de metal qui gagneraient peut-être à rester instrumentales pour gagner en force et en impact. Une question qui nous occupe l’esprit alors que sonne l’heure de s’engouffrer dans la lumineuse nuit Clissonnaise (et alors que Death Angel éructe là-bas au loin) histoire de prendre quelque repos en prévision de la belle journée du samedi qui s’annonce.

Photo : Duclock

Samedi  –  Every Warzone has its Thorn
Si le vendredi avait démarré en trombe pour ralentir ensuite jusque finir plus tranquillement, ce samedi produit l’effet exactement inverse avec un démarrage tout en douceur. Non pas tant, mais vous l’aurez deviné de vous-mêmes, par les mélopées somnolentes et apaisées qui viendraient bercer les abords des Valley/Warzone, simplement qu’un relatif état léthargique perdura une bonne partie de la journée et ce alors même par exemple que les Burning Heads mettaient déjà l’ambiance dans une Warzone lourdement accablée de chaleur une fois encore, température qui grimpa encore lorsque les orléanais y allèrent de leur morceau 100% reggae.
Subrosa ensuite partagea entre ceux déçus par leur prestation et ceux autrement plus enthousiastes devant une musique lancinante et presque rêveuse entre plages bruyantes de guitare et violonneries menaçantes. Sortant de la pénombre Subrosienne, il va de soi que le soleil éblouit plus encore lorsqu’on se retrouve face au punk de Misconduct. Leur musique est hyper énergique mais aussi mélodique, des slogans humanistes font office de refrains et à vrai dire le timing parfait d’un milieu de festival (il est 15h en ce samedi), d’une musique entrainante mais enjouée et d’un beau ciel bleu conduit à faire des suédois un coup de cœur de cette édition avec une musique il est vrai plus proche du Clash (ou même de Green Day) que de Watain.
Retour à la pénombre avec Witch Mountain, doom américain qui s’avère malheureusement un poil monocorde, passé les premiers accords plaqués et les premières lignes de chant d’une demoiselle qui semble par moment un peu perdue derrière son micro même si elle assure vocalement sa part du job. Même chant féminin, en plus velu cependant, avec Acid King et une musique profondément lourde et psychédélique (stoner donc), une mixture très agréable en tous les cas pour un set plaisant et fort apprécié d’un large public.
Journée placée sous la parfaite symétrie d’une Valley ombragée et occulte et d’une Warzone gavée de lumières et remuante, cette dernière accueille ensuite Protest The Hero, un groupe complètement barré qui donna le concert le plus éclaté musicalement (quelque fois même au milieu même d’un couplet !) de ces trois jours. Combo fun et bordélique certes mais avec une maîtrise technique impressionnante et surtout un humour assez ravageur totalement assumé et particulièrement efficace devant une foule hilare devant quelques réparties des canadiens (« Croyez-moi, on sonne beaucoup mieux sur disque »). Un excellent concert même si la Warzone poussiéreuse paraissait un peu décalée pour ce genre de musique. Rock, pop, métal … un mélange plutôt agréable et rafraichissant qui ne se prend pas au sérieux mais assure.

Protest The Hero

Sitôt les derniers accords de Protest The Hero plaqués, il faut foncer dare dare à la Valley pour y écouter Clutch. Plein à craquer, le chapiteau déborde de partout, tout sauf une surprise pour un groupe oh combien attendu, preuve par l’exemple également que l’affluence record de cette édition rend par moment congrus les espaces dédiés aux quatre scènes plus spécifiquement extrêmes. La partie est déjà gagnée d’avance pour Clutch mais les américains ne se reposèrent pas sur leurs acquis et délivrèrent bien au contraire un concert remarquable où la classe de leur metal (mouais) groovy et bluesy enchanta tout le monde. Commençant en force par un impeccable « The Mob Goes Wild » le concert (comme la voix de Neil Fallon) ne faiblira pas en intensité pour donner au final un bel échantillon de ce que peut donner la communion entre un groupe et son public, ici en plein trip.
Le dernier concert de la journée sera celui de Monster Magnet, en meilleure forme cette fois que lors de leur précédente venue. Un set énergique, entre lourdeur et mélodie, mélodies brut et virtuosité, un superbe concert sans temps mort ponctué d’une version vertigineuse de près de dix minutes de « Space Lord (Motherfucker) ». Sonne l’heure ensuite du repli domestique, tant pis donc pour les très attendus Against Me ! et Millencolin, sans parler de Phil Anselmo et ses Illegals.

Photo : Duclock

Dimanche  –  Unksinny Punk ( The Valley Of Lost Souls)
De la chair et du sang, du bon temps, de l’action ou encore des mots sales, le troisième jour de ce Hellfest 2014 débute exactement là où il s’était terminé la veille, non loin de la Valley un verre à la main et alors que Scorpion’s Child s’agite là-bas au loin sur la seconde mainstage. Satan’s Martyrs fait entendre son doom psyché/rock traversé d’effets en tout genre à une foule hagarde, davantage il est vrai à cause du jetlag des deux derniers jours que par un concert un peu passe-partout. L’occasion ensuite d’apprécier d’une oreille les prestations respectives de The Bones, combo punk à tendance mélodique, et Tagada Jones, les enragés bien de chez nous, pour des sets appréciables, agréables et délectables, assez raccords d’ailleurs avec l’atmosphère générale, pour l’heure apathique et contemplative. Chacun dans leur style, ils firent un peu l’effet de deux gros ventilateurs réussissant à brasser l’air lourd d’odeur d’une aussi épaisse moiteur.

The Bones / Satan’s Martyrs

Super concert ensuite avec les américains de Black Tusk à la Valley, le power-trio présenté comme sludge exécuta une musique pleine de force et de groove rock n’roll, avec toutefois une originalité : chaque membre du groupe chante à tour de rôle. Le public fut conquis, une belle réussite et sans conteste le coup de cœur du jour. L’instant punk ensuite, une affiche d’ailleurs sensiblement punk cette année sur la Warzone, avec les vieux agités de Last Resort qui, sans surprise, déboulent sans aucunes fioritures et sur un même tempo agité leur punk oï qui sent bon le jean troué et la bière anglaise. Après un aperçu du stoner de House Of Broken Promises qui martyrise la Valley, retour à la Warzone pour revoir avec plaisir Mad Sin, impeccable et très visuel combo de psychobilly avant de retrouver un autre groupe flashy, morbidement flashy, les Misfits. Plus que jamais directs, enchainant les morceaux sans temps mort ou presque, les américains ont fait honneur à leur réputation pour une prestation justement célébrée même si sans surprises (bon en même temps une surprise côté Misfits hein).

Photo : Benoit Pé

Le temps file déjà et Soungarden en terminer avec son set alors que Spirit Caravan commence le sien sous la Valley, tentant plus ou moins bien de dominer la musique de Solstafir qui s’échappe du Temple. Le frontman Wino, légende du doom avec ses nombreux projets (de St Vitus à The Obsessed) est en forme, sa voix toujours aussi envoutante même si la musique développée reste finalement de facture moyenne. Le public fourni qui se masse devant la scène n’en a cure en tous les cas et prend avec plaisir sa dose de doom grassouillet. Changement totale d’ambiance ensuite pour retrouver l’illustre Dave King (ex gosier en chef de Fastway ou encore de Katmandu au temps jadis, comprendre avant Kurt Cobain) et son groupe Flogging Molly qui met le feu à la Warzone. Très proche des Dropkick Murphys, même si plus rudimentaire, les irlandais font le plein (plus que le plein même, et pan dans le dentier d’Ozzy) et délivrent une version live presque parfaite d’hymnes punks et celtes fédérateurs et festifs sentant bon le pub, la bière et la jolie farandole pour faire communier le tout. Une sorte de « fest-noise » du meilleur effet et sans conteste un moment fort de tout le festival.

Photo :Duclock

Ratant Unida pour profiter au loin d’un bout du set du Sabbat Noir, le Hellfest 2014 se termine pour nous (comme pour beaucoup) devant Turbonegro. Le groupe a ses partisans, les fameux Turbojugend toujours bien identifiables visuellement parlant, et délivre son punk gras et sexuel avec bonne humeur et entrain. La dernière chanson marquante du festival aura donc été cette reprise graisseuse de « Money For Nothing » de Dire Straits, ici proprement martyrisée par les norvégiens en bonne forme, concluant avec humour et clin d’œil une édition 2014 du Hellfest assez rêvée, entre confirmations heureuses et découvertes enthousiasmantes, le tout sous le cagnard d’été et dans une bonne humeur collégiale trop rare dans les festivals pour ne pas être, une fois encore, martelée ici.

Photo : Duclock

PHOTOS : Cycy (sauf mention). Retrouvez toutes les photos du Hellfest 2014 (et autres) sur le site perso de Cycy
VIDEOS WARZONE/VALLEY : Alexis Hunot sur sa page youtube
 REDACTION : Cycy, Dj Duclock, Alexis Hunot, Benoit Pé, Bruno Piszorowicz

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