Tristan Garcia s’inspire des tumultes, certes relatifs, de l’époque pour construire ses récits. Déjà, son premier roman, La meilleure part des hommes, prix de Flore en 2008, relatait les destinées de trois hommes à la fin des années Sida. Avec Faber , Tristan Garcia continue dans la même veine. Son roman explore les limites la société contemporaine frappée par le désenchantement dû à la fin des utopies et des espoirs collectifs. C’est un roman générationnel dans le sens où il témoigne pour cette génération née au milieu des années 1980. « Nous avons fait des études, nous avons appris à respecter l’art et les artistes, à aimer entreprendre pour créer du neuf, mais aussi à rêver, à nous promener, à apprécier le temps libre, à croire que nous pourrions tous devenir des génies, méprisant la bêtise, détestant comme il se doit la dictature et l’ordre établi. Mais pour gagner de quoi vivre comme tout le monde, une fois adultes, nous avons compris qu’il ne serait jamais question que de prendre la file et de travailler. » Cette aseptisation progressive ne s’est pas fait sans heurts. Faber, le héros de son roman en est l’illustration. A la limite de la réalité, il incarne ce type de héros qui s’émancipe d’une logique pour vivre son propre destin.

L’histoire se déroule, principalement, dans une ville moyenne de Province, imaginée par l’auteur. Terne, dirigée par un maire de droite opportuniste, Mornay représente ces villes frappées par la crise et le désarroi économique. L’auteur y fait vivre cette France, déjà, « d’en bas » dans les années 1980.

Madeleine et Basile sont deux adolescents sensibles et timides. Leur rencontre avec Faber constituera un choc. Ils tomberont d’admiration devant la force et l’esprit de Faber. Fasciné du respect qu’il impose autour de lui, leurs jeunesses vont être intimement liées à la sienne. Mais, malgré ses aspects messianiques, Faber ne penche pas du côté du « bien ». Il pourrait être le héros d’un roman de Dostoïevski tant sa violence semble sourde et sans limite. Il pourrait également s’assimiler, aisément, à ceux de « Tarnac » par son attirance vers l’ultragauche et les expériences radicales. Il parcourt son époque tel un feu follet flamboyant alors même que la folie des années 1970 s’est définitivement éteinte. Le récit suit la vie de Faber. De son plus jeune âge où placer à l’orphelinat il sera recueilli par les Gardon jusqu’à son âge adulte et sa déchéance. En effet, après une période de marginalisation, il reviendra dans sa ville défait moralement et physiquement.

Le récit s’articule à trois voix renforçant le réalisme de l’écriture. Malgré ce réalisme, l’auteur soulève, en filagramme, des interrogations philosophiques plus profondes. Que peuvent les individus devant le déterminisme de leur vie ? Quelle est la responsabilité de la société devant le décalage entre les désirs et les réalités ? Ces sempiternelles questions prennent une tournure particulière grâce à l’écriture de Tristan Garcia. « J’ai compris que j’étais un provincial et que je le resterais probablement. Cela signifiait que j’étais né qu’à moitié, paralysé d’un côté. Cette vie mêlée de non-vie était mon destin. Et ce destin médiocre, je l’aimais bien. Puis j’ai regardé Faber. J’ai su qu’il ne reconnaitrait jamais ces vérités plates, décevantes et paisibles. Celles qui nous font admettre qu’il existe un réel hors de portée de notre volonté. Le quotidien, l’ordinaire. Les occasions réussies, les occasions ratées. Un peu de la tombe dans notre berceau. L’idée que ce qu’on attend n’arrivera jamais vraiment». Faber n’échappera pas à la violence de la réalité.

Une vision sombre parcourt Faber devant l’impossibilité d’échapper au monde tel qu’il est. Tristan Garcia saisit les sentiments d’une génération, maniant les codes et les affects de ces personnages avec une certaine virtuosité. Il rend compte de cette soif d’absolu périclitant avec le temps.

Faber
un livre de Tristan Garcia
Edtions Gallimard.

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