Fort d’être « le plus grand des dialoguistes, morts ou vivants, que l’Amérique ait produits », selon les termes du, non moins génial Denis Lehane, Richard Price est également un écrivain hors-pair dans l’Amérique contemporaine. Celui qui a participé à l’écriture de la série devenue culte The Wire et à de nombreux films dont Clockers, a également publié de nombreux livres.

The Whites, sorti en 2015 aux Etats-Unis et traduit au début de l’année en France, est le dernier de cette liste. L’histoire suit le parcours de Billy Graves, chef d’une équipe de nuit au NYPD, dans la torpeur des rues new-yorkaises dont la violence s’exacerbe la nuit tombée. Dans cette face cachée de l’Amérique, la réalité est froide et peu encline au rêve américain. Les tensions sont vives, les trafics en tout genre pullulent et bien souvent, la police ne peut être que contemptrice de cet état des lieux. Au début de sa carrière, dans le milieu des années 1990, une bande de jeunes policiers à l’anti-criminalité, les Wild Geese, se lient d’amitié. Leur méthode d’action est singulière. « Un verre ici, un coup vite fait là, un pull en cachemire à prix cassé de temps en temps : aucun ne prenait de d’argent, ne percevait d’impôt sur le pêché ni même ne perdait son amabilité. Bien que régulièrement appelés à en envoyer quelques-unes faire au trou le séjour requis, ils toléraient généralement les putes qui se montraient discrètes, et drôles en prime. Ils laissaient les tox non-violents dans la rue et les utilisaient comme cousin. En revanche, la chasse aux dealers demeurait ouverte en toute saison. » Des années plus tard, ces liens d’amitié perdurent, malgré les décès, les rancœurs et des parcours de vie divergents. De leurs années de service subsiste, cachée au fond de leur âme, une rancœur tenace contre les Whites. Sous cette dénomination se cachent les criminels qui ont réussi à échapper à toute condamnation et qui viennent troubler leur conscience, « laissant l’ancien Willd Geese obsédé par l’affaire s’acheminer vers la retraite en chapardant des dossiers qu’il étudiait dans son bureau ou sa maison, la nuit, donnant parfois un coup de fil non suivi non autorisé toujours, toujours appelant les conjoints, les enfants et les parents des personnes assassinées : le jour anniversaire du crime, le jour de l’anniversaire de la victime, à Noël, uniquement pour garder le contact, rappeler à ceux qui restaient qu’il leur avait promis une arrestation de cette nuit sanglante, des années plus tôt, et qu’il en renonçait pas. » Quand Billy Graves apprend qu’un White vient de se faire poignarder dans le métro, il mise dans un premier temps sur un coup du destin. Mais, quelques temps plus tard, le sort s’acharne et décide aussi de la disparition d’un autre White. Le hasard, seul, ne peut suffire à expliquer ces faits. Malgré lui, Billy Graves va tenter d’élucider cette fatalité.

En parallèle de ces macabres découvertes, Billy Graves subit la présence d’un rôdeur menaçant, tour à tour, les membres de sa famille. De simples coïncidences transforment sa vie en un cauchemar paranoïaque. Les actes, au départ anodins, deviennent de plus en plus pernicieux et violents. Mais, qui peut en vouloir à Billy Graves et sa famille si ce n’est un ancien prévenu arrêté par ses soins ?

Pour ce roman, Richard Price met en scène de nombreux personnages, pas vraiment des héros mais davantage des individus ordinaires frappés ou non par les fatalités de la vie. Il rend compte avec précision des fragilités humaines en soulignant la persistance de la mémoire face aux embardées de la vie.

A plusieurs égards, le polar de Richard Price est somptueux : par son écriture limpide et le magnifique rendu des dialogues apportant au récit un rythme accrocheur ; par l’humanité qui se dégage de ses personnages ; enfin, par sa trame révélant une architecture finement étudiée et donnant un dénouement tragique au livre.

The Whites 

Richard Price

Editions Presse de la cité

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A propos de Julien CASSEFIERES

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