Marius Daniel Popescu – « Les Couleurs de l’hirondelle » (Prix de l’Inaperçu 2012)

Comme l’hirondelle, Marius Daniel Popescu est un oiseau migrateur et sans être purement autobiographique, son roman s’articule autour du thème de l’exil dont il a fait l’expérience en quittant la Roumanie. Entre le parcours de l’auteur, chauffeur de bus et écrivain à Lausanne et celui du narrateur, colleur d’affiches, journaliste et écrivain entre la France et la Suisse, il n’y a qu’un pas, littéraire : un récit inspiré de la vie de l’auteur, dont la forme et les tournures relèvent du roman. Un entre-deux qui lui a peut-être d’ailleurs valu la condition d’inaperçu, tant cela en fait un ouvrage atypique.« J’enterre ma mère et je réalise que nous n’arrêtons jamais d’enterrer nos parents ». De retour dans son « pays d’avant », « le pays de la dictature du parti unique » – ainsi désigné pour ne pas le nommer, tout comme les autres lieux et les noms des personnages – le narrateur doit aller chercher le corps de sa mère à la morgue et l’enterrer. Ce pélerinage occasionne une série de souvenirs juxtaposés, lointains ou proches, liés à la construction de son identité et à la transmission. C’est une longue et diffuse réflexion sur la valeur des racines, mixtes, pour le narrateur émigré ainsi que pour sa famille.

Des scènes de campagne à son service militaire, en passant par l’épluchage d’avocats pour une salade ou encore les leçons de ses filles, « Les couleurs de l’hirondelle » constituent un témoignage multiculturel qui ne s’impose pas comme tel. Jouant sur les longues descriptions méticuleuses des faits et gestes du personnage, ainsi que sur les consonnances en fin de chapitre, Marius Daniel Popescu fait écho à sa première vocation de poète, non sans dérouter le lecteur qui doit compter avec une troisième veine littéraire, en plus de l’autobiographie partielle et du roman. Cette dimension intervient notamment au niveau du rythme, alangui, diluant le traitement du réel entre les retours à la vie en Roumanie sous le régime de Ceausescu ou les rencontres avec les mendiants parisiens.

Sans remettre en cause la légitimité d’un tel concentré, prolixe mais empli de douceur, on peut cependant trouver que « Les couleurs de l’hirondelle » manquent de charisme pour conquérir le lecteur. Ni prise à témoin, ni convoquée par des personnages marqués ou marquants, l’attention est inégale. Le parcours du narrateur reste flou, il n’y a pas de point de vue politique ni social assumé, restent des impressions fugaces de rencontres, de souvenirs et d’idées. Cela en fait un livre à la fois personnel et impersonnel, frôlant l’exercice de style, qui ne peut pas faire l’unanimité.

Paru aux Editions José Corti – Prix de l’Inaperçu 2012, catégorie littérature française.

 

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