Bobi+Bobi : « Dans la vie il y a de la poésie mais il y a aussi pas mal de gouttes… Si j’ai un heaume, je n’ai pas de cotte de mailles. « 

 Comment es-tu arrivée sur ce projet ? Connaissais-tu l’œuvre de Pierre Albert-Birot ?

François David m’a contactée pour me le proposer. Je ne connaissais pas l’œuvre de Pierre Albert-Birot, tout juste quelques vers.

A priori, ce serait plutôt un livre hors âge, et la poésie, on imagine – probablement à tort – que ce sont surtout les adultes qui la lisent. Comment ce livre s’inscrit-t-il selon toi dans la littérature jeunesse ?

C’est un livre conçu dans l’esprit de la collection Pomme Pirate Papillon de chez MØtus, une collection jeunesse chez un éditeur jeunesse. La simplicité de l’écriture et la malice du contenu rendent Petites gouttes de poésie très accessible aux enfants. Quand la poésie est accessible aux enfants, ça signifie que c’est une poésie pour tous. J’entends parfois dire que Jacques Prévert est un poète pour les enfants. Je suppose qu’on veut dire par là qu’il est « aussi » un poète accessible aux enfants – comme l’est Pierre Albert-Birot.

Si l’on fantasme sur le métier d’illustrateur, on imagine que son univers ne se limite pas à l’illustration jeunesse. Qu’en est-il pour toi ? Quels types de livres illustres-tu et comment ton art se nourrit-il en dehors du travail éditorial ?

J’illustre des livres pour adultes, notamment de la poésie, et je peins et dessine pour des projets non éditoriaux. Si j’étais parisienne je verrais plusieurs expositions par semaine, ou plus exactement je verrais la même plusieurs fois. Je me nourris comme tous les vieux peintres, en lisant beaucoup. Et puis rien n’est plus stimulant pour moi que de parler peinture avec des peintres.

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Il y a dans ton univers, ce mélange d’enfance et de regard adulte, de candeur et de mélancolie, et ce goût de l’absurde. Comment définirais-tu ton propre univers ?

Je n’essaie pas de faire ça, parce que je devine que ce serait du discours dès le premier mot. Par contre je sais le faire pour les autres sans que ce soit du discours.

Et cette nécessité de rêverie et de distance vis-à-vis du réel, est-ce que cela correspond à ta propre vision de la vie ?

Dans la vie il y a de la poésie mais il y a aussi pas mal de gouttes… Si j’ai un heaume, je n’ai pas de cotte de mailles. La distance permet de se concentrer sur le beau, la rêverie de ne pas noyer l’embarcation… La rêverie est une distance elle aussi, une manière d’oublier qu’on passe son temps à ramer contre le vent, avec les nuages au-dessus de la tête qui forment des angles droits avec le ciel.

Est-ce que selon toi le métier d’illustrateur est « reconnu » ou est-ce encore extrêmement difficile de se faire reconnaître ? Pourquoi ?

Il y a trop de livres, trop d’auteurs et d’illustrateurs pour que ça se passe « bien ». Mon désir à moi est de faire de l’art avec les livres, et non pas de l’illustration alimentaire. Je fais ce métier parce que l’illustration est un domaine d’expression électrique. Je publie peu et je choisis mes projets. Et puis j’aime bien rester dans mon coin : ça tombe bien.

Y a-t-il des univers différents selon les éditeurs (Actes Sud, La joie de lire, Motus, Seuil jeunesse, A pas de loups) avec lesquels tu travailles ?

Oui, bien sûr, d’ailleurs ces univers sont particulièrement définis par les collections des éditeurs. J’ai remarqué que Pomme Pirate Papillon chez MØtus est une collection en noir et blanc très prisée des lecteurs. Pour l’illustrateur, le noir et blanc imposé est une contrainte qui libère le trait, et donc l’esprit.

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 As-tu des maîtres en peinture, et y a-t-il des illustrateurs contemporains dont tu te sentes proche ? Et d’autres que tu admires ?

Oui, les maîtres en peinture sont nombreux dans ma vie et dans ma bibliothèque. Il y a notamment les nabis, le cloisonnement enfouisseur de Vuillard… J’ai tellement regardé cette peinture que j’ai l’impression de l’avoir avalée. Quand j’ai découvert les livres de Carll Cneut et de Susanne Janssen, je me suis sentie en famille. Je suis touchée par le travail de Pablo Auladell, Joanna Concejo, Brecht Evens, pour ne citer qu’eux. Ce sont des artistes.

Pourrais-tu me parler des techniques que tu emploies pour tes différentes œuvres ? As-tu des habitudes ?

Je n’ai pas beaucoup d’habitudes installées, parce que chaque nouveau livre me fait en chercher de nouvelles. La technique n’est pas très importante, elle est juste un moyen. Pour mon travail personnel, celui qui n’est pas éditorial, j’utilise en priorité l’huile et le dessin à l’encre, parce qu’avec ces deux médiums, je peux compter sur la sensualité. J’aime bien l’acrylique mate, les crayons crémeux, les mines dures, les feutres, le charbon, j’aime tout, tout m’intéresse.

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Comment dessines-tu ? En musique ou en silence ?

Ca dépend : si c’est compliqué, si je suis contrariée, pas de musique… mais si ça roule, musique !

Considères-tu qu’on fait du dessin comme on écrit de la poésie ? Ou même que le dessin est une autre forme de poésie ?

Mais oui !

Pourrais-tu me parler des tes projets et futures publications ?

Je suis occupée en ce moment à dessiner les originaux du tirage de tête de « Gouttes de poésie » et bientôt j’aurai à dessiner ceux d’un autre tirage de tête, celui d’un recueil de poésie pour adultes qui va sortir chez Al Manar, « L’été », de Cécile A. Holdban. Je travaille également à une série de peintures à l’huile pour un projet personnel et je prépare une exposition.

 

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