Dans l’histoire de la littérature française, le 4 septembre 2014 restera de triste mémoire. Non seulement, Valérie Trierweiler, ex-future première dame, publie son ouvrage, Merci pour ce moment, mais, en plus, celui-ci fait de l’ombre à de nombreux autres livres. Une mesquine vengeance dont l’intérêt littéraire n’est en aucune commune mesure comparable et supérieur. Ainsi, L’ange gardien, roman en noir et rose teinté de politique signé Jérôme Leroy, sort totalement éclipsé par l’ombre des médisances de la belle, mais aigrie, éconduite.

Du pouvoir socialiste, il en est aussi question dans L’ange gardien. Une nouvelle fois, Jérôme Leroy s’insinue dans les méandres de la politique. Déjà, son précédent roman, Le bloc, décrivait les manipulations au sein d’un parti politique, le Bloc Patriotique. Si la montée de l’extrême-droite et la banalisation de ses idées font toujours partie de l’intrigue, L’ange gardien prend cependant un autre chemin que Le bloc, roman nihiliste, âpre et violent qui épousait le point de vue des salauds.

Dans L’ange gardien, l’espoir fait une apparition à travers le personnage de Berthet, tueur au service d’une organisation occulte du gouvernement. Assassin efficace, il va au gré des missions, avec un flingue dans une poche et un recueil de poésies dans l’autre. Surtout, Berthet est amoureux de Kardiathou Diop, jeune femme issue des quartiers difficiles de Roubaix. Engagée en politique, la jeune femme se voit être parachutée dans une petite ville de province face à la représentante du Bloc Patriotique. Pendant 20 ans, Berthet va être son ange gardien. Dans l’ombre, Berthet veille et sent le piège venir. Pour beaucoup, il devient l’homme à abattre.

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Ancien professeur, Jérôme Leroy connaît bien la banlieue lilloise pour y avoir enseigné. Fortement engagé à gauche, ses écrits et ses actions sont ancrés dans la réalité sociale. Ami de Frédéric H. Fajardie, autre rouge de la littérature noire, Jérôme Leroy dénonce, dans ses polars, les travers de la société, les inégalités et les injustices sociales, la banalisation des idées d’extrême droite tout en empruntant des sentiers plus étroits pour évoquer la solitude des êtres.

Véritable roman d’amour, violent et tragique, à la fois intimiste et animé du souffle d’un sombre romantisme, L’ange gardien dresse aussi et surtout le portrait d’une femme. Jérôme Leroy décrit l’ascension d’une femme issue de l’immigration et d’un environnement difficile  dans un contexte où la peur de l’autre et les discours extrémistes sont de mise. L’écrivain, qui dit s’inspirer du parcours de femmes politiques telles que Rachida Dati, et son personnage en scène à travers le point de vue des autres protagonistes du roman.

Divisé en trois parties, l’ouvrage multiplie les perspectives sur Kardiathou Diop, véritable personnage principal, qui acquiert le statut de déesse, femme noire loin des clichés qui polluent l’inconscient collectif. Ainsi la voit Berthet, homme seul et solitaire qui, dans cette mission de protection qu’il s’est assigné, rencontre un autre homme, enfermé lui aussi dans une indicible solitude : Martin Joubert, écrivain raté. Les deux hommes vont se lier d’une amitié étrange et paradoxale : l’homme d’action et l’homme de lettre réunis dans une cause commune, faire éclater la vérité.

Avec une plume élégante et précise, Jérôme Leroy évoque la solitude de ces deux hommes, pourtant tout deux épris d’amour, en quête d’un bonheur qui leur échappe. L’écriture, basée sur la répétition de phrases et des noms, saisit leur mal-être, l’impossibilité pour eux d’échapper à leur statut de marginal, et distille une mélancolie en adéquation avec le thème du roman.

Comme dans la prose de Valérie Trierweiler, L’ange gardien parle d’amour, a son lot d’intrigues et de trahisons, les références et le style littéraires en plus. L’auteur insuffle même, entre deux scènes où s’exprime une violence sèche, une bonne dose d’humour. Le roman noir de Jérôme Leroy respire l’amour de la littérature et de la culture en général et donne envie de lire les poèmes de Georges Perros ou de voir les films d’Alain Tanner.

Après Le bloc, dont L’ange gardien reprend certains personnages, Jérôme Leroy signe un nouveau roman passionnant et brillant, sait faire naître une émotion forte et qui n’est jamais gratuite. Merci pour ce moment… de littérature, Monsieur Leroy.

L’ange gardien
Jérôme Leroy, Gallimard, Série noire, 336 pages, 18,90€.

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