Avec The Wave, Roar Uthaug signe, pour son quatrième long-métrage, le tout premier film catastrophe scandinave. Il démontre à quel point il sait parfaitement épouser les codes du genre : actions spectaculaires dignes des studios hollywoodiens, maintien de la tension dramatique malgré un dénouement prévisible, action au rythme serré. Son originalité tient plutôt dans l’ancrage de l’intrigue dans un cadre scandinave, le Fjord de Geiranger, à l’ouest de la Norvège. Partant, ce sont les personnages qui revêtent une tonalité singulière, tant dans leur portrait que dans leurs relations, loin des formatages américains. Alors qu’il s’apprête à changer de travail et de région, pour mener une vie personnelle moins heurtée par les contraintes professionnelles, Kristian, géologue, détecte les premiers signes de la catastrophe à venir : l’écroulement imminent d’un pan de montagne. Il n’aura de cesse d’avertir ses ex-collègues et de retarder son départ pour prévenir du tsunami qui menace la vie des habitants de Geiranger.

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Déjouant la surveillance des scientifiques et les instruments de mesure qui offrent l’illusion de la dompter, la nature affirme ses prérogatives. Imposante et implacable, elle impose ses lois accablantes aux hommes, qui deviennent peu de chose dans un environnement aussi beau qu’hostile. Dans un scénario aux effets attendus, Roar Uthaug construit classiquement sa narration. Il prépare le spectateur à la catastrophe en disséminant les indices : ici, dans une fuite d’eau domestique, là dans des plans sur les paysages majestueux et inquiétants du fjord. La tension dramatique, nichée d’abord dans les conflits familiaux et professionnels de Kristian, se noue dans l’acmé du tsunami déferlant sur la petite ville. Le rythme est maintenu par des rebondissements qui le nourrissent sans relâche. Le compte à rebours démarre à partir du soulèvement de la vague : les habitants ont dix minutes pour se mettre à l’abri. Cette narration linéaire est démultipliée par un contrepoint : Kristian et sa fille sont pris au piège de la montagne, tandis qu’Idun et son fils sont reclus dans un abri de sécurité de l’hôtel où Idun travaille. En alternant les points de vue sur les deux duos et en offrant plusieurs issues possibles, Roar Uthaug ménage quelque peu le souffle du spectateur, jusqu’au moment où Kristian décide de rejoindre Idun, relançant et resserrant ainsi le suspense dans une seule direction.

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L’intrigue est certes convenue, sans grande surprise, mais Roar Uthaug tresse les codes du genre avec l’originalité du portrait de ses personnages. En accord avec leur environnement, ils incarnent une vigueur empreinte de délicatesse, mise en valeur par la lumière nordique peinant à décliner et soulignant la dépendance des hommes à la nature. Dans ce cadre imposant, les personnages conjuguent retenue et sens pragmatique : peu enclins à s’épandre sur leurs difficultés personnelles, Kristian et Idun les laissent émerger tout en s’absorbant dans leurs préoccupations quotidiennes. Roar Uthaug filme de près ses personnages, caméra à l’épaule, leur donnant une place dynamique, alors même que la catastrophe naturelle les prend au piège de la claustration. Kristian est un homme décalé, en quête de changement, rencontrant ses obstacles dans son caractère obstiné et son esprit de défi. Mais sa détermination lui sera un atout lors de la catastrophe, lui offrant ainsi l’occasion de la rédemption. En déployant son courage, Kristian parvient à concilier son sens du sacrifice et son opiniâtreté. Ses intérêts qui, jusque là, l’éloignaient des autres, lui permettent de manifester sa solidarité. Le caractère d’Idun s’étoffe au fur et à mesure que se développe l’intrigue. Laissée dans l’ombre dans un premier temps, elle gagne en importance, et même en grâce, quand elle est filmée en train de nager dans les eaux envahissantes, portant assistance à son fils Nicolas. Ane Dahl Torp campe ce second rôle avec talent et aisance, devenant l’alter ego de Kristoffer Joner dans l’opération de sauvetage des enfants – qui est aussi l’occasion de sauver une vie de famille qui menaçait de s’effondrer.

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Les subtilités résident dans la manière de nouer le drame familial à la catastrophe naturelle. Aux lignes de faille géologiques qui traversent les montagnes de Geiranger répondent ainsi les lignes de faille intimes qui craquèlent des existences placées sur la brèche. Même si la chute est prévisible, le réalisateur fait la part belle à ses personnages, dont le portrait est plus convaincant que le scénario qui les porte. C’est dans cette espèce de cuvette qu’est le fjord, où l’angoisse épouse les étroits lacets de la montagne et les dédales de couloirs de l’hôtel, que ces personnages attachants voient poindre un dépassement à l’horizon.

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