Emiliano Rocha Minter – « We are the Flesh » (édité par Blaq Out)

We are the Flesh est typiquement le film qui risque de susciter des avis viscéralement contradictoires, provoquer le rejet pur et simple ou la fascination. Soit l’on n’y voit qu’un catalogue de provocations, d’hystérie et de tabous brisés soit on décide de se laisser mener dans le trip, cette gigantesque hallucination qui fait fi de toute logique, sans s’attacher à comprendre ce que cherche franchement à raconter ce jeune réalisateur allumé.  We are the Flesh est loin d’être un film parfait, il a les scories d’un film de jeunesse, une trop forte propension à l’excès provocateur qui passe moins bien lorsqu’il n’est pas pris dans ce grand mouvement chaotique. Les effets de style sont parfois géniaux, parfois maladroits ; le deuxième film d’Emiliano Rocha Minter sera évidemment décisif. Mais c’est aussi sa force de se jeter la tête la première dans le vertige des sens. Car We are the Flesh est un cinéma de la transe qui fait se mouvoir les personnages dans l’espace, les fait se heurter les uns contre les autres en étreintes sauvages, torturer leurs corps. Il y a quelque chose de très zulawskien dans cette contamination du primitif et du pulsionnel.

Alors en dehors de la nécessité du lâcher-prise pour pleinement profiter du trip, que faut-il chercher à comprendre dans de We are the Flesh ? Au sein d’un monde rongé par la mort, un frère et une sœur se réfugient dans un immeuble désaffecté où vit un clochard inquiétant au regard halluciné qui semble détenir un étrange élixir et va les manipuler comme des marionnettes. Avec leur aide, il métamorphose le lieu en caverne de carton et les entraîne dans un monde de sexe et de sang, un monde où la morale n’a plus cours et qui semble avoir ouvert un passage entre vie et mort. A partir de cet argument de départ le cinéaste organise un déluge de visions infernales et blasphématoires qui mettent à nu ce nouveau couple originel.

L’expérience est insoutenable et sublime, spirituelle et follement triviale. We are the Flesh conçoit un outremonde ou la morale n’a plus prise, qui travaille en négatif les interdits religieux en prenant les métaphores à la lettre. Le sang menstruel remplace celui du Christ comme une preuve d’amour, et le corps s’offre sous toutes ses formes… Le Mexique est bien là dans toute sa dimension mystique et morbide : Emiliano Rocha Minter nous invite à une fête païenne qui explore la chair sous toutes ses facettes. A nous d’accepter d’y mettre les pieds ou de nous y enfuir. Cette eucharistie blasphématoire porte aussi en elle les stigmates de notre époque apocalyptique. Elle offre un cinéma charnel et total, sans protection ni tabous, livré à lui-même, qui hurle, saigne et éjacule.

We are the Flesh
(Mexique, France, 2016, 117 minutes)
Titre original : Tenemos la carne
Réalisation : Emiliano Rocha Minter
Scénario : Emiliano Rocha Minter
Photographie : Yollótl Alvarado
Musique : Esteban Aldrete
Acteurs : Noé Hernández, María Evoli, Diego Gamaliel, Gabino Rodríguez, María Cid
Disponible en Combo DVD/Blu-Ray édité chez Blaq Out

Suppléments :
• Courts métrages : Videohome (2013, 11 min), Dentro(2014, 15 min)
• Entretiens avec : Emiliano Rocha Mintern, María Evoli, Diego Gamaliel, Noé Hernández
• Bandes-annonces

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A propos de Olivier ROSSIGNOT

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