Anne Villacèque – "Week-ends"

Sous ses airs faussement reconnaissables de film français d’auteur essayant de toucher le grand public,  entre drame intimiste et téléfilm, Week-ends tire son épingle du jeu, en jouant sur les variations en fugue mineure et les dissonances, créant ainsi une petite musique surprenante et séduisante.

 

Troisième film d’Anne Villacèque, après les singuliers Petite Chérie qui relatait les mésaventures d’une jeune vieille fille et Riviera, fausse belle rencontre et vraie déroute entre une cagole et un VRP, Week ends joue sur la banalité du titre et des apparences.
Soit, deux couples qui se retrouvent chaque week-end dans leur maison en Normandie. Sylvette et Christine sont amies d’enfance et leurs filles, toutes deux prénommées Charlotte, suivent la même voie.

Soudain, Jean quitte Christine sans crier gare, plutôt hagard : « J’ai besoin d’aller ailleurs ». Cet ailleurs va se matérialiser sous les traits de Pascale que Jean invitera en week-end dans leur maison de campagne à la grande gêne de Sylvette qui ne saura comment se comporter, s’éloignant ineffablement de Christine et surtout, ne pouvant de s’empêcher de questionner son solide couple avec Ulrich.
Et, comme le dit un ami de Sylvette et Ulrich… « Les relations de couple, c’est toujours plus ou moins pathologique ».
 

  

Subtilement simple, avec la précision d’une entomologiste, Anne Villacèque s’applique à dépeindre ce petit grain de sable qui vient enrayer un système huilé et qui a fait ses preuves : les retrouvailles chaque week-end Normandie, les amitiés sur deux générations, les petits riens, les grands bonheurs.

« J’ai voulu montrer des choses complexes, invisibles, les « presque riens » de notre vie, nous dit Villacèque. Mais, pour ça, pour montrer le presque rien, il faut être délicat, filmer avec parcimonie, il ne faut pas s’agiter dans tous les sens. »  Pari réussi. Ca grince dès la première scène où Christine (Karine Viard, très juste comme tous ses partenaires) se fait agresser par une femme aux abois lui accusant de lui avoir volé sa place de parking. Qui a tort ? L’inconnue de la harceler ou Christine de ne pas voir sa détresse, concentrée sur sa joie quelque peu égoïste du week-end qui se profile ( joie qui va être mise à mal de façon imminente) ?  Ce récit mi-amer a des tonalités Truffaldiennes. Pas seulement à cause de la voix off et des jeux de voisinage qui rappelle La Femme d’à côté, mais également par nostalgie qu’il égrene; notamment la belle scène où Gisèle Casadessus, mère de Sylvette, confie à l’ « intruse » Pascale qu’elle n’a jamais été chanceuse en amour et s’est rattrapée avec les livres.   On peut regretter de ne pas comprendre à qui appartient la voix off  relatant le récit, trouver les péripéties minces et un goût de déjà vu dans cette chronique minimaliste d’un désamour. Il n’empêche que lorsque Jean fait enfin éclater son désarroi, les codes de la comédie dramatique -versant sentimental –sont déjoués,  on est soudain ému par ce personnage impassible. D’autant dépassés par cette émotion que Jean semblait traverser le film comme un fantôme, ce qui en donnait sa force et sa limite, surtout aux côtés du personnage de Christine, très incarnée par le jeu terrien de Karine Viard. Le couple uni de Sylvette et Ulrich a d’ailleurs quelque chose d’aérien, chainon manquant entre Christine, terre-à-terre et le trop perché Jean. 

 

 

A priori, moins rentre-dedans ou singulier que les deux premiers films d’Anne Villacèque, Week-ends avance masqué et finit par nous embarquer sans discontinuer,  en découvrant petit à petit son âpreté singulière.

 

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